Cristian Măcelaru, un portrait

Cristian Măcelaru est né à Timisoara, en Roumanie, en 1980 : c’est le petit dernier d’une fratrie comptant dix enfants. Le père ? Il est chef d’orchestre. À l’âge de neuf ans, le jeune garçon prend de plein fouet la chute du Rideau de fer et la révolution de décembre 1989 qui aboutit à l’exécution du dictateur communiste Nicolae Ceaușescu et de son épouse. Une Révolution qui démarre précisément à Timisoara, avec de gigantesques manifestations devant l’opéra.
Une enfance musicale
« Tout le monde dans ma famille jouait d’un instrument de musique. J’ai grandi en écoutant mes frères et mes sœurs jouer de la musique en permanence. Il y avait toujours chez nous de la musique à écouter, que ce soit en direct ou sous forme enregistrée. À force de toujours entendre quelqu’un jouer, la musique est devenue une présence qui a influencé mes choix et mon désir de devenir musicien. Nous avons beaucoup joué ensemble : mes premières tentatives d’écrire de la musique, notamment, c’est-à-dire quelques petits arrangements, puis mes propres compositions. Je me souviens de mon premier quatuor à cordes, nous l’avons créé en famille dans notre salon. De même, durant les premières années où j’ai étudié la direction d’orchestre, j’en ai profité pour diriger mes sœurs, ce que j’ai trouvé magnifique ! et ce qui m’a beaucoup aidé. »
Devenir musicien
« J’aurais voulu devenir pianiste. Le piano était mon instrument favori, mais mon père m’a expliqué quelque chose de très simple. Il m’a dit : “Regarde, si tu joues du piano, tu seras toujours dépendant de l’instrument que l’on te donnera pour tes concerts. Au contraire, si tu joues du violon, tu pourras toujours emporter ton violon avec toi, où que tu ailles.” Je ne sais pas très bien pourquoi il aimait tant les violons. En tout cas, l’instrument m’a réellement préparé à jouer dans un orchestre. Vous savez, plus de la moitié des musiciens dans un orchestre est constituée par la famille des cordes. Le fait de savoir comment fonctionne un instrument à cordes est très utile à un chef d’orchestre. Je continue à penser que la manière la plus simple d’apprendre ce fonctionnement, est de jouer d’un instrument. »
Aux États-Unis
« Ce n’est pas un projet que ma famille avait programmé. Je n’avais rien prévu, c’était même presque une erreur car nous ignorions que j’allais partir pour une année entière. Je pensais m’être inscrit pour une académie d’été, et il s’est avéré que j’avais été pris pour un programme d’études d’un an ! Mes parents ont été surpris, mais en même temps je venais d’avoir dix-sept ans, et ils m’ont dit que c’était la chance de ma vie, que je devais y aller et voir de quoi il retournait. Je crois qu’ils avaient un peu peur, tout autant que moi-même ! La formation qui m’a été dispensée aux États-Unis était vraiment excellente. Elle m’a ouvert de très nombreuses portes et m’a fait rencontrer de formidables mentors. J’ai approché tout un tas d’incroyables musiciens qui ont modelé ma vie. Je pense à la manière dont je conçois la musique, à la manière dont je la comprends, et je crois qu’il aurait été plus difficile d’avoir la même expérience en Roumanie. J’aurais pu avoir les mêmes expériences si j’étais resté en Europe, mais je suis très reconnaissant d’y être parvenu aux États-Unis. Partout où je suis allé, les gens m’ont ouvert le maximum de possibilités et m’ont fait confiance. Et j’ai pu mettre en pratique ce que j’ai appris, que ce soit en dirigeant, en composant ou en jouant du violon ; de tout, j’ai profité au maximum. »
Devenir chef d’orchestre
« J’ai toujours souhaité devenir chef d’orchestre, mais je n’ai jamais cru que je pourrais le faire parce que j’étais totalement concentré sur le violon. J’adorais jouer de cet instrument, j’adorais son répertoire, j’adorais l’idée de jouer des solos avec orchestre. Je me suis pleinement épanoui dans ma fonction de premier violon solo. Et lorsque je suis arrivé aux États-Unis, j’ai rencontré un chef d’orchestre qui m’a beaucoup inspiré. Pour moi, diriger est une manière très philosophique de faire de la musique. La meilleure définition du métier ou du rôle du chef d’orchestre consiste à dépeindre la quintessence de ce que le compositeur tente de communiquer à travers la musique, de sorte que l’orchestre puisse le comprendre très clairement. Il me faut comprendre l’essence de ce qu’un compositeur cherche à communiquer. C’est ce que j’appelle l’essence de la musique, celle que je dois ensuite dépeindre aux musiciens, tout en créant les conditions où ils soient à leur aise, qui leur permettent de donner le meilleur d’eux-mêmes. »
Votre travail avec l’Orchestre National de France
« Les années importantes pour moi sont celles où j’étais en train de me former à la direction d’orchestre, et où donc Kurt Masur était directeur musical de l’Orchestre National. Mais j’ai aussi entendu de nombreux enregistrements de l’ère Martinon, et de tous les autres chefs comme Celibidache, Daniele Gatti, Emmanuel Krivine. En écoutant tous ces enregistrements, j’essaie d’obtenir l’image la plus nette de ce que pourra être mon rôle en enrichissant l’héritage de cet orchestre. »
D’après Benjamin François