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Adèle Molle remplit un formulaire

Parti à la rencontre d’Adèle Molle, productrice à France Musique et créatrice de podcasts pour la scène et pour l’antenne, Christophe Dilys s’est amusé à l’interviewer sur un mode inattendu.
Que faites-vous dans la vie ?
Réponse pour les amis en soirée : J'écris des podcasts pour les enfants, tout simplement.
Réponse pour un futur employeur : Je développe des projets autour du jeune public.
Réponse pour la famille : Je suis artiste.
Autre : J'habite à la campagne, et j’essaie de vivre le plus librement possible au milieu de la nature.
L’élaboration des Aventures d’Octave et Mélo
Je pars de mon observation des enfants du XXIe siècle et je fais en fonction d’eux : j’ai moi-même des enfants, donc je sais à quoi je ne veux pas les exposer. Je cherche donc à rendre attractives des formes poétiques qui ne sont pas liées aux écrans, en proposant des formats qui font s'évader par le son et par l'imaginaire.
J'ai envie de faire comme je veux, j'ai des idées depuis longtemps : je baigne dans la musique depuis que je suis enfant, et j'écris aussi depuis que je suis jeune. Là, j’ai trouvé une manière d'associer deux choses que j'aime, et une troisième que sont les enfants.
Veuillez joindre votre CV
CV musical : Harpe classique au conservatoire de Montauban, puis, au moment des études supérieures, harpe celtique. J'ai commencé à écrire des chansons, à les jouer et à les chanter dans les petits cafés-concerts et les petits bars de Toulouse.
CV radio : Depuis toute petite, on m’a dit que j'avais une belle voix, assez grave, et c'est vrai que j'ai toujours aimé la lecture à voix haute. J'ai commencé comme stagiaire à France Musique, à la matinale de Christophe Bourseiller. J’ai eu la chance, plus tard, de faire une chronique le temps d'un été qui s’appelait « La Playlist de ». Je suis ensuite partie en Belgique pour animer la matinale de Musiq’3 pendant cinq ans. Après le Covid, je suis revenue à Radio France pour ce projet jeunesse.
Méthodologie du choix de musique
Musique en fonction de la thématique : j'écoute énormément, énormément, énormément de musique. Quand j’ai ma thématique, je sais tout de suite ce qui ira avec musicalement. Par exemple, la mer : on a Debussy, on a Ravel, on a quand même pas mal de compositeurs qui ont écrit autour de ça. J'écoute ces musiques-là, je vois un peu ce qu'elles m'apportent, ce qu'elles m'inspirent, et je commence à écrire un texte qui met en valeur ces musiques.
Autre : S’il me manque des musiques, alors je vais en écouter d’autres avec en tête les humeurs que je cherche : triste, mystérieux, etc. À ce moment-là, je teste des extraits musicaux différents, des quatuors en pagaille, des sonates, et à un moment, je tombe sur celle qui correspond. Les premières mesures du concerto pour piano de Grieg, par exemple : idéales pour un orage.
Méthodologie du ton du texte
Envelopper l’enfant dans du sensoriel : je choisis un vocabulaire qui évoque beaucoup les sensations. Je pense que c'est une manière « d'attraper » les enfants. Ils sont beaucoup plus à l'écoute de leurs sens que nous.
Incarnations : j'ai rencontré des spécialistes de la petite enfance, et ils m’ont dit de prendre des personnages réels, plutôt que des petites libellules qui s'appellent Sophie. J’imagine donc des personnages auxquels ils peuvent s'identifier, et je les ramène ensuite vers les sens, parce qu’ils sont en pleine découverte d’un monde qu’ils ont envie de connaître. Je veux leur offrir des façons d'expérimenter ce monde par les oreilles, surtout depuis que j'habite à la campagne ! Ici, j'ai l'impression d'avoir les sens en alerte en permanence.
Quelle écoute en premier ?
Musique ? Je n’invente rien, mais il y a encore un peu cette croyance qu'il faut avoir un certain « niveau » pour entendre du Chopin : pour ça, les enfants sont un public parfait, sans aucun préjugé. On peut tout leur faire écouter. Stockhausen, ça marche. Et aussi, je pense que ce qui me plaît, c'est vraiment l'aspect joyeux : je veux qu'il y ait de la joie, de la nature. Il faut se réjouir du monde. Je veux un peu les préserver de l’actualité souvent négative. Également : inscrire la joie et le bonheur des enfants dans la gratuité du service public.
Texte ? J’essaie de rapprocher au maximum la musique et le texte, de sorte que, quelque part, on ne sache pas si c'est la musique qui a donné le texte, ou si c'est le texte qui a eu le prétexte de la musique. Par exemple : les nuages. Quand je pense aux nuages, je pense aux Nuages de Debussy. Et puis je me dis, tiens, qu'est-ce qui peut se passer là-dessus ? Je commence alors à écrire mon histoire, et là je m’aperçois qu’en réalité, je préfère les faire rêver joyeusement avec les Nuages de Django Reinhardt… et puis le Debussy est revenu. Parce qu'il faut toujours trouver l'équilibre entre la contemplation et le fait de faire avancer l’histoire. Et c’est devenu une vision d’avions et de rêves de voyages.
Commentez votre démarche
Je ne veux pas non plus que les enfants ne pensent plus qu’aux avions quand ils entendent Nuages de Debussy. Et j'essaie toujours d’écrire un texte qui ne soit ni trop long, ni trop précis ou suggestif : il doit laisser ouvert aussi l'imaginaire. Si je donne trop de détails, j’enferme trop les enfants et j’écrase leur imagination. Je n'ai jamais représenté Octave et Mélo, par exemple : on ne sait pas à quoi ils ressemblent. On ne sait pas quelle couleur de peau ils ont. On ne sait pas s’ils sont grands, petits, les cheveux rouges, blonds… Bref.