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La Chasse aux trésors

Une danseuse du XVIIIe siècle qui rencontre un faune, une rare suite orchestrale tirée du chef-d’œuvre lyrique de Claude Debussy Pelléas et Mélisande, les retours des Boréades, de Jeanne d’Arc au bûcher et du Roi David d’Arthur Honegger, mais aussi de deux symphonies emblématiques d’Elsa Barraine et de Louise Farrenc. La nouvelle saison révèle des pépites du patrimoine français… une forêt cachée de beaux rameaux.
On affirme souvent que toutes les dix minutes, quelque part dans le monde, commence une nouvelle interprétation du Boléro de Ravel. Si la statistique est difficilement vérifiable, le succès continu de ce chef-d’œuvre est aussi incontestable qu’amplement mérité. Marquant le cent-cinquantenaire du compositeur, l’année 2025 nous en offrira encore d’autres versions, comme celles de l’Orchestre Philharmonique de Radio France à Grafenegg et à la Philharmonie de Berlin, ou celles de l’Orchestre National de France sur les terres natales basques de Ravel, et même à New York ! Cette année Ravel est également l’occasion de (re)découvrir les autres partitions du maître, comme ce merveilleux Trio avec piano composé juste avant l’éclatement de la Grande Guerre. Créé notamment par le violoncelliste Louis Feuillard, il fut maintes fois joué par son élève Paul Tortelier, et au violon par le fils de ce dernier, Yan Pascal Tortelier, à qui nous devons une prodigieuse orchestration du Trio, au programme lors de cette nouvelle saison (11/09).
De nombreuses autres (re)découvertes nous sont ainsi proposées à Radio France dans le vaste répertoire de la musique française, du XVIIIe au XXIe siècle. Ainsi Zaïs et Les Boréades de Jean-Philippe Rameau, composés pour l’Académie royale de musique sous le règne de Louis XV. Ainsi les envoûtantes harmonies de l’opéra Pelléas et Mélisande de Claude Debussy d’après Maurice Maeterlinck, dans une suite instrumentale signée Alain Altinoglu, tout comme ses mélodies d’après Verlaine orchestrées par Robin Holloway – et enregistrées en 2022 par le Philhar (16 et 22/01). De la même Belle époque, Gabriel Fauré est également à l’honneur avec son Quintette pour piano et cordes n°2, une des plus grandes beautés de la musique de chambre. « On s’attendait à une belle œuvre, mais pas à celle-là » écrivait son fils Philippe au lendemain de la création en 192, On savait que Gabriel Fauré était très haut ; on ne croyait pas que, sans en avoir l’air, il fût parvenu à un tel sommet » (11/01). Et que dire de son Thème et Variations, opus 73 ? Sans doute pas un « introuvable », mais ce petit quart d’heure d’une musique géniale et intemporelle mérite d’être mieux connu : il ouvrira une nouvelle édition de « Pianomania » (20/09).
Quelle chance de pouvoir entendre en concert le délicieux Cydalise et le chèvre-pied de Gabriel Pierné ! Dans ce ballet conçu en 1914-1915, jadis dirigé par André Cluytens ou de Pierre Dervaux à la tête du National, Cydalise est une danseuse du XVIIIe siècle qui rencontre un faune, le « chèvre-pied » Styrax, tous deux évoluant sur une musique aux somptueux coloris, à l’orchestration raffinée, aux ambiances captivantes (04/12). Le décès, à l’âge de 36 ans, de Pierre-Octave Ferroud dans un accident de voiture en 1936 avait non seulement endeuillé ses amis (à commencer par Francis Poulenc), mais également privé la postérité de partitions accomplies que semblait annoncer son poème symphonique Foules, ou ses ravissantes Trois pièces pour flûte seule composées trois ans après la mort de Debussy, dont Ferroud semble se nourrir (07/12).
Les compositrices ne sont pas en reste dans cette nouvelle programmation : de la romantique Symphonie n°3 de Louise Farrenc (02/07) saluée par la presse de 1849 et par Théophile Gautier, jusqu’à la moderne Symphonie n°2 d’Elsa Barraine, sous-titrée Voïna (« La Guerre »), conçue en 1938 par cette élève de Paul Dukas, devenue militante communiste, et plus tard résistante (30/10). Le 5 août 2026, Betsy Jolas fêtera ses cent ans, et la voici programmée dans B-Day, partition écrite pour Boston et dont nous entendrons la création française (19 et 20/06). Voici Clémence de Grandval dont le Stabat Mater reçut en 1870 un chaleureux accueil lors de sa création parisienne (24/04). Et comment ne pas saluer les sœurs Boulanger ? Lili, génie de la famille, hélas décédée à 26 ans, et dont la cantate Faust et Hélène de 1913 fit d’elle la première femme à remporter le Prix de Rome de composition (21 et 22/05). Dédicataire de cette œuvre, sa grande sœur Nadia est surtout restée à la postérité pour ses talents de pédagogues ; la liste impressionnante de ses élèves comprenant George Gershwin, Quincy Jones, Michel Legrand, Astor Piazzolla, Aaron Copland, Lalo Schifrin ou Philip Glass ! Pianiste et cheffe d’orchestre, Nadia Boulanger fut également organiste et compositrice, comme en témoignent ses Trois pièces pour orgue de 1911(09/01).
Le magnifique orgue Grenzing de l’Auditorium sera d’ailleurs richement mis à contribution lors de cette prochaine saison, en particulier dans le domaine de la musique française. Plusieurs partitions de Saint-Saëns, jadis titulaire de la tribune de La Madeleine, nous sont proposées, et pas seulement sa grandiose Symphonie n°3 (12/09) ! De même, des musiques de Jehan Alain, Olivier Messiaen, Maurice Duruflé (25/04) ou Louis Vierne (22/03) traverseront les 5 320 tuyaux de ce merveilleux instrument, tout comme celles de Thierry Escaich qui nous offrira aussi la création mondiale de son Concerto pour orchestre (11/06). Ainsi le répertoire français, connu ou méconnu, est à l’honneur au sein de la Maison de la Radio et de la Musique, mais aussi en tournée, grâce à nos belles formations musicales !
François-Xavier Szymczak