Titre block
Musique, on tourne !

Publié le jeu 03/07/2025 - 16:15
Image
Image
Affiche du film Un homme et une femme
Affiche du film Un homme et une femme
Body

Cela fait déjà quelques années maintenant, mais nous pouvons célébrer la régularité désormais installée : la musique de film a élu domicile dans les plus grandes salles de concert du monde, comme en témoignent les multiples rendez-vous cinéma présents dans la saison 2025/2026.

D’où vient la crainte des auditrices et des auditeurs ? Évidemment, nous ne pouvons que spéculer mais deux éléments de réponses reviennent souvent : la peur d’une musique trop peu savante, et la frustration à l’écoute d’une musique composée pour accompagner l’image… et donc trop creuse pour se suffire à elle-même. Nous pouvons résumer par : la peur d’une certaine facilité. Autrement dit : les auditeurs « ne veulent pas être nourris, ils veulent chasser » (Jurassic Park, 1993, John Williams, 19/12).

Il est vrai qu’il s’agit de bien choisir les extraits musicaux. Les compositeurs ne confiant sans doute pas aux scènes d’action pleines de bruitages et de hurlements leurs moments d’inspiration les plus profonds (« Quelle est cette commotion ? Vous effrayez les poissons ! », Alexandre Nevski, 1938, Sergueï Prokofiev, 25/06), il faut être soigneux dans le choix des partitions. Les organisateurs de concerts choisissent donc dans les films les moments qui portent les thèmes les plus emblématiques (ce qu’on aime appeler, même en France, les Main Titles). En général, les premières minutes du film. Les grands classiques du cinéma ont de toute façon tendance à rendre hommage à leur « aîné » : l’opéra. C’est ainsi que les ouvertures des films de l’âge d’or de Hollywood présentent souvent une succession des grands thèmes qui seront entendus tout au long de la séance. Alfred Hitchcock le fait faire à Bernard Herrmann dans la plus grande tradition rossinienne.

Dissipons une crainte : celle liée à l’écoute d’une musique séparée de son image. Un rapide examen de nos habitudes de concert indiquent que de toute façon, cela fait bien longtemps que nous écoutons de la musique isolée de projets plus larges : n’écoutons-nous pas régulièrement la musique des ballets de Tchaïkovski sans les danseurs ? La musique de scène de Peer Gynt sans les acteurs ? Autrement dit : « Tout ce que nous avons, c’est maintenant, et cela représente tout » (Anthony Adverse, 1936, Erich Wolfgang Korngold, 25/06). Si le XIXe siècle a été le siècle du poème symphonique (une musique qui, en se suffisant à elle-même, est porteuse d’une trame narrative qui se passe d’explicitation extra-musicale), de nos jours, après plus d’un siècle passé à écouter des opéras à la radio, il est peut-être temps de reconnaître à l’auditeur le pouvoir de se construire mentalement sa propre histoire pendant l’écoute d’une bande-originale, même quand cette histoire ne correspond pas exactement aux images du film. « Dans les affaires du monde, on ne juge pas les intentions mais les actions » (L’Aigle des mers, 1940, Erich Wolfgang Korngold, 25 /06) : en musique comme en littérature, le plaisir vient de l’objet en lui-même, avant de s’intéresser aux intentions de l’auteur.

En parlant d’auteur : nous retenons une autre leçon de l’histoire de la musique, non pas dans l’écoute mais dans la facture. La musique de film demande de très sérieux moyens humains et un grand savoir technique immédiatement disponible. Nous sommes bien loin des idées reçues sur la qualité de la musique au cinéma (même si, « dans la vie, quand une chose n’est pas sérieuse, on dit que c’est du cinéma », Un Homme et une Femme, 1966, Francis Lai, 30 :01). Le métier de compositeur au cinéma est un métier de l’urgence. Il n’est donc pas rare de voir un compositeur faire appel à toute une équipe d’orchestrateurs pour affiner les timings, étoffer le matériau, ajouter des mesures pour synchroniser à l’image, etc. Ce principe n’est pas nouveau : Franz Liszt a longtemps travaillé avec son assistant Joachim Raff pour élargir la palette sonore de l’orchestre pour soutenir les doubles croches du piano. Gabriel Fauré lui-même a fait appel à Charles Koechlin pour l’aider à orchestrer en urgence son

Pelléas et Mélisande pour la création anglaise au Théâtre du Prince de Galles en 1898, pour exactement les mêmes raisons que James Horner faisait appel à Conrad Pope, Bernard Herrmann à Lionel Newman, ou encore Ennio Morricone à Bruno Nicolai. « Il n’y a pas de force plus grande que celle d’un peuple uni. » (Alexandre Nevski, 1938, Sergueï Prokofiev, 25/06).

Christophe Dilys

Star Wars © Disney

Titre
Musique de film