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Trois questions à Amira Casar

Publié le mer 24/09/2025 - 17:30
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Amira Casar © Richard Gianorio
Amira Casar © Richard Gianorio
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Quel rôle la musique a-t-elle joué dans votre enfance, et dans votre formation de comédienne ? 

La musique tient un rôle majeur dans ma vie. En Angleterre, je chantais dans les chœurs de mon école et cela m'amusait, me procurait des sensations profondes ; on voyageait en car à travers le pays en chantant à tue-tête The Wall de Pink Floyd, The Cure et des chants liturgiques ; c'était libérateur, on se sentait rebelle. Notre maître de musique, un excentrique, était fou de Mendelssohn et de Chopin, et j'avais choisi, pour me plaire à moi-même, la trompette, instrument de torture que je jouais dans son orchestre. La musique est le poumon de mon existence. Travailler aux côtés des pianistes et violoncellistes tels que Steven Isserlis, et des chefs d'orchestre, amplifie, augmente ma vie, me procure une sensation métaphysique lumineuse et une humilité réjouissante, mais il faut être à la hauteur de l’occasion. Avec les musiciens, on apprend le rythme et le respect d’une partition, tout en apportant une expérience personnelle intime. On apprend l'humilité, on apprend à travailler en troupe et à augmenter son souffle. Je n’en reviens pas moi-même de la chance que j’ai eue de pouvoir travailler avec de grands chefs d’orchestre, au Festival de Salzburg avec le Wiener Philharmoniker, dans Médée et The Indian Queen, et récemment à la Philharmonie de Berlin. Avec un immense chef comme Teodor Currentzis, au répertoire si vaste, on atteint une dimension atmosphérique, transcendantale, une forme d'extase spirituelle, tant ses musiciens sont en osmose avec lui. Currentzis vit pour la musique ; il est passionné, doux, exigeant et magique, et ses mains sont d'une infinie poésie.  

Vous interprétez prochainement le rôle de la récitante dans Le Roi David d’Honegger. Précédemment, vous aviez interprété la petite Lorraine de Jeanne d’Arc au bûcher. Qu’est-ce qui vous attire et vous plaît dans ces œuvres ? 

Dans Jeanne au bûcher, la musique d'Honegger est si déchirante que, sur scène, je sentais les notes métalliques de la nuit, immense, noire et désertique, la solitude de Jeanne, trahie, humiliée, abandonnée de tous, et qui fait écho à la crucifixion du Christ. Le texte de Claudel se mêle magnifiquement à la musique. Ce rôle m'a transpercée, et, étrangement, ne me quitte plus, il reste en moi inscrit très fortement. C’était avec Marin Alsop, la cheffe d'orchestre, au Barbican avec le LSO. Ma mère, grande adoratrice de Schumann, à qui j'ai demandé conseil, m'a dit : regarde la cheffe, écoute la musique profondément, avec toute ton âme et ton inconscient, laisse-toi porter par tes instincts, mais évite le pathos. Émotion, oui ; pathos, non. 

Le Roi David, comme Jeanne d’Arc, aborde de hautes questions religieuses. Y a-t-il quelque chose de l’ordre de la spiritualité dans votre pratique artistique ? 

L'année dernière, au Festival d’Avignon, j’ai incarné Thérèse d’Avila, la très mystique sainte qui, comme Jeanne d’Arc, revisite toute sa vie à rebours. Cela a été un grand moment dans ma vie. Les textes de Sainte Thérèse et de Julia Kristeva requièrent une intensité, un souffle énorme et un déploiement d’énergie considérable, même dans le calme le plus profond. Mon travail avec les musiciens m'éloigne du monde de l'image et du narcissisme omniprésent de notre époque. C'est à la fois apaisant et exaltant… Je flotte dans la voie lactée de mes rêveries. Quant au Roi David, je le découvre avec délectation, et j'ai hâte de retrouver mon camarade de la série La Maison, Lambert Wilson

Propos recueillis par Gaspard Kiejman 

 

Amira Casar - Photo : DR

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Le Roi David - Lambert Wilson / Amira Casar