Après Le Roi David cet automne, le comédien et chanteur retrouve l’Auditorium de Radio France le 30 janvier pour célébrer Francis Lai puis le 15 février à l’occasion de deux séances du Carnaval des animaux.
Quels compositeurs comptent le plus dans votre vie ?
Bach, parce que j’ai eu la folie d’avoir chanté ses cantates. J’ai le sentiment que son importance dans l’histoire de l’humanité dépasse la question musicale. C’est le baroque, un point d’équilibre de l’histoire humaine, qui concerne tant l’architecture que la musique et la littérature. Bach est le détenteur du futur de la musique ; à partir de lui, une plateforme existe. Ce qui m’épate quand je le pratique et que j’en parle avec des musiciens, c’est la nourriture qu’ils y trouvent et qu’ils ne peuvent pas épuiser. Bien sûr, bien d’autres compositeurs comptent pour moi : Ravel, Debussy, Richard Strauss, Rachmaninov et, depuis peu, Prokofiev. Dans le groupe, je pourrais rajouter Franck et Poulenc, qui m’apportent un délice auditif ; Janáček, Stravinsky… mais les Suites de Bach sont ce que j’emporterais sur une île déserte.
Comment la musique est-elle entrée dans votre enfance, dans votre adolescence ?
Nous devions écouter, mon frère et moi, à l’heure du repas, quelques trente-trois tours, dont la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Notre père, qui avait été saxophoniste dans les bals avant d’être acteur, jouait de l’alto et nous a appris à lire la musique de manière très ludique, le temps d’un voyage. Le premier disque que j’ai acheté, sans doute pour me démarquer de mon frère, était l’enregistrement d’une symphonie de Mozart. Parallèlement, j’écoutais tout ce qui avait trait à la comédie musicale américaine des années 1940. Mes cours de piano de cette époque se sont arrêtés à cause d’un mensonge d’adolescent fait à mon professeur. Quant à mon saxophone, il a été malencontreusement malmené sous la roue de la voiture de ma mère.
Un ami de mes parents, acteur de théâtre et musicien, m’a fait écouter beaucoup de grandes chanteuses d’opéra. Lorsque, par la suite, j’ai pris des cours de chant, l’opéra m’est tombé dessus avec une force inouïe, par l’intermédiaire de Madame Butterfly de Puccini. Chaque nouvel opéra de Puccini que je découvrais, je mettais un temps fou à m’en remettre. Puis j’ai ouvert l’arc : Puccini, Verdi et, longtemps après, Mozart, puis Strauss, Wagner. J’ai fait ces découvertes à une époque où les grandes voix, telles celles des Freni, Ghiaurov ou Obraztsova, étaient phénoménalement identifiables. Il y avait une merveilleuse étrangeté dans ces timbres.
Comment travaille-t-on musicalement les rôles de récitant ?
Il faut avant tout comprendre ce que le compositeur attend du récitant. Soit le récitant intervient entre les pièces, et on attend que l’acteur devienne un soliste vocal de la voix parlée et prépare le terrain par les dynamiques, la qualité de la voix, comprenne les tempi. Il faut faire de la musique avec le chef d’orchestre, même si le travail ne se fait pas sur la partition. Si les interventions du récitant sont écrites dans la musique, comme chez Schönberg, le travail devient extrêmement exigeant, car le chef d’orchestre attend du récitant exactement le travail musical d’un soliste. Je trouve cet exercice passionnant du fait de cette difficulté extrême.
Propos recueillis par Gaspard Kiejman