3 questions à Olivier Py

Olivier Py, quelle relation vous unit aux chanteuses avec lesquelles vous partagerez la scène de votre cabaret, le 7 mai prochain ?
Patricia [Petibon] est comme ma sœur. Nous avons participé ensemble à un nombre d’opéras qui ne se calcule plus, depuis plus de vingt ans de collaboration. J’ai eu également la chance de partager la scène avec elle, puisqu’elle m’a parfois demandé de chanter dans ses récitals. Elle m’a appris et aidé à utiliser ma voix, c’est une vraie technicienne, une musicienne prodigieuse. Angélique [Kidjo], c’est une autre grande histoire ; je suis tombé fou amoureux de l’artiste mais aussi de la femme. C’est un feu d’artifice de vitalité, de vie. Passer une journée avec elle vous offre de l’énergie pour trois semaines ! Elle aussi m’a aidé musicalement ; on a chanté ensemble à New York et ce fut une aventure magnifique. C’est la première fois que je réunis ces personnes-là ; elles ont en commun d’aimer l’art du crossover. Elles voguent entre plusieurs univers. Avec Patricia, on a pu sortir du répertoire strictement lyrique, lorsque nous avons chanté Léo Ferré par exemple. Quant à Angélique, elle va de la chanson française (elle interprète Edith Piaf admirablement) jusqu’au jazz et à la chanson béninoise. Elles ont une volonté de dépasser les frontières – ce qui me convient parfaitement, vu que je suis un individu hybride, sans genre et sans spécialité, même si j’ai eu une grande aventure avec l’opéra. C’est bénéfique de briser quelques rigidités.
Vous interprétez votre double, Miss Knife, cette fois-ci entourée d’un orchestre symphonique, au lieu de son traditionnel jazz band…
Quand il y a un orchestre, il y a un chef, ce qui m’offre un tout autre rapport que celui que j’ai pu avoir avec un quintette de jazz. Un quintette, où il n’y a que des solistes, me donne parfois l’impression de me retrouver au milieu d’autres chanteurs et chanteuses. L’expérience de l’orchestre passe donc avant tout pour moi par cette relation humaine créée avec son chef.
Comment vivez-vous, vous et votre double, cette période où le genre est au cœur des discussions et des préoccupations ?
C’est un sentiment incroyable pour moi qui ai traversé trente ans de Miss Knife. Quand j’ai commencé cette aventure, nous n’étions pas loin de l’opprobre ; chanter en travesti était extrêmement scandaleux, pouvait même déclencher de la violence. Je pense que j’ai chanté en travesti car je n’avais pas le courage de chanter avec mon propre visage. Ça m’aidait beaucoup. Aujourd’hui il y a une part d’admiration et j’ai l’impression d’avoir fait là un travail de pionnier. Jouer Miss Knife à travers la France et le monde, comme je l’ai fait, relevait d’une véritable aventure politique, car une vraie prohibition s’y opposait. Un cabaret travesti, cela faisait peur, c’était transgressif ; il n’y avait pas encore ces programmes devenus extrêmement populaires comme RuPaul, c’était vraiment scandaleux. Aujourd’hui, c’est en famille que l’on vient voir Miss Knife, cela me procure beaucoup de joie.
Propos recueillis par Gaspard Kiejman