Bastien David : À la découverte du métallophone

Comment s’est passée la création des Métamorphoses ?
Elle a eu lieu le 8 mai dernier. Dix années de préparation ont été nécessaires à la fabrication du métallophone, à la création des Insectes – une compagnie dédiée à l’instrument –, à l'invention d’une notation et enfin à la composition. La pièce est un solo pour six percussionnistes, qui oscille entre musique et chorégraphie. Les musiciens ont été formidables et le public est venu en nombre. C'était un moment très émouvant.
Le soutien de Covéa Finance vous a amené à rencontrer les salariés de cette entreprise. Racontez-nous cette interaction.
Une première rencontre a eu lieu dans un cadre intimiste, au cours d’un dîner ; une autre pendant les répétitions des Métamorphoses, dans les coulisses de l’Auditorium de Radio France ; et une dernière avec un cercle élargi, après le concert. Covéa soutient le projet du métallophone dans la durée, en accompagnant mes deux projets liés à l’instrument : Les métamorphoses et Chlorophyll synthesis, une nouvelle œuvre que j’écris actuellement à la Villa Concordia, et qui mêlera l'Ensemble intercontemporain, la Maîtrise de Radio France, les Insectes et le métallophone. Lors de cette rencontre, nous avons parlé de création ainsi que des questions politiques relatives à mes engagements écologistes, féministes, et d’égalité sociale. Ces questions, au cœur de ma vie, sont une source d’inspiration infinie. Car composer, c'est rassembler des énergies humaines. Écrire avec ces énergies, c'est les organiser dans le temps et l'espace afin de proposer de nouvelles formes de coexistence. Le monde sonore qui nous apparaît en est la résultante. Je ne suis pas familier du monde de la finance, mais je suis sensible à la nécessité de rapprocher l’univers de la création de celui de la volonté politique et financière, afin de faire évoluer le monde : il est fondamental, pour le bien de toutes et tous, d’inventer de nouveaux récits et de se remettre à prendre soin de l'une des plus grandes richesses humaines, la poésie.
De quelles manières pourrions-nous favoriser ce rapprochement ?
Tout est lié à la sincérité de la démarche. Il ne faut pas que le créateur soit considéré comme un pansement, mais plutôt comme un facteur de réinvention du monde. Il est important que les acteurs qui ont les moyens d’encourager cela le fassent. À mon sens, c’est presque un devoir, que je tente d’ailleurs de réaliser à mon échelle avec un projet de lieu expérimental que je suis en train de concevoir, et dont les lignes directrices sont la création, le futur et le jardin. S'arrêter pour imaginer et dessiner un monde vivant, cohérent et véritablement juste. C'est en associant nos énergies que l'on aura peut-être la chance de le voir advenir.
Comment finance t-on l’écriture d’une œuvre ?
L’art est nécessaire. C’est une erreur politique et philosophique de penser l’inverse. Après avoir abandonné l'artisanat en France, le monde du sensible est à son tour délaissé. Aujourd'hui, l'argent se fait rare dans le monde de la création artistique. Demain il faudra prendre conscience qu'elle est en voie de disparition, dans un moment historique où il est vital de la cultiver.
Votre travail autour du métallophone attire une vraie curiosité. Comment l’expliquez vous ?
Le métallophone est un instrument qui, pour exister pleinement, se doit d’être partagé entre plusieurs musiciens. Il s'agit de jouer ensemble sur un monde commun. D'une certaine manière, c'est un enjeu que connaissent chaque citoyen, chaque institution, chaque entreprise. Le projet, en plus d'être une expérience sonore et visuelle au travers de la lutherie contemporaine, la notation et la mémorisation, est avant tout une proposition : celle d'organiser autrement. C'est probablement à cet endroit que se trouve la véritable curiosité du public.
Propos recueillis par Gaspard Kiejman