Haydn, un créateur

Si le public retient les pionniers et les inventeurs de la musique, il célèbre aussi, quelquefois sans le savoir, les artistes qui produisent les plus excellentes synthèses. Avant Haydn, Zach et Wodiczka avaient déjà informé leur musique symphonique avec la musique de danse traditionnelle : la bonhomie terrienne du matériau de Haydn ne lui est pas venue ex nihilo. Il a été en revanche un des premiers à s’inspirer de mélodies croates et (comme Beethoven, Schubert et Brahms après lui) hongroises. Ainsi, la musique dite « de la première École viennoise » ne s’envisage pas sans ce principe heureux d’essence traditionnelle insufflée dans les formes italiennes du concerto, de l’opéra et de la sonate. « Avec Haydn, c’est la musique italienne qui prédomine ; avec Mozart, c’est l’influence italienne ; avec Beethoven, c’est la tendance humaniste et philosophique », résumaient en 1940 Max Graf et Arthur Mendel dans The Musical Quarterly. L’analyse montre que les rôles sont mieux distribués, évidemment, mais l’oreille peut quand même parcourir l’œuvre de Haydn, de sa Première Symphonie à La Création (deux œuvres jouées cette saison par l’Orchestre National), avec l’idée de la tradition folklorique enchâssée dans des formes italiennes qu’il eut le génie de modifier selon ses besoins musicaux.
Christophe Dilys