L’orgue pour tous

Sorti des ateliers Gerhard Grenzing, le Grand orgue de Radio France fascine. Ce n'est pas un instrument comme les autres. Il ne prend pas le métro, ne dort jamais dans une housse et a besoin d'électricité pour reprendre son souffle. Il est la fois grandiose et fragile comme tous les monuments soumis au climat et aux aléas météorologiques. À peine est-il exposé à l'humidité ou à la sécheresse qu'il tousse et corne. L'auditorium le protégeant des courants d'air ecclésiastiques, il a la chance de compter parmi les trois orgues à être installés dans des salles de concert. Aujourd'hui, il revient à Lucile Dollat de le faire rugir et, en tant qu'organiste en résidence, d'accueillir le public pour lui révéler les secrets de la machine. « J'adore cet instrument, confie-t-elle aux enfants, une sorte de super instrument doté des technologies les plus modernes, de la double console à la transmission proportionnelle, sans oublier les volets d'expression ou les accessoires favorisant le soutien ou la variation du son. Cet orgue possède une personnalité très forte. Ses combinaisons de timbres sont à la fois singulières et quasi illimitées, chaque musicien peut y trouver ce qu'il cherche. » Lucile Dollat appuie sur les boutons ; doux et grave quand il a le bourdon, l'orgue incarne alors à lui seul tout un orchestre, se fait chœur de cordes, violoncelle ou contrebasse, flûte, hautbois, clarinette ou basson, cor de nuit, trompette, trombone (posaune) ou tuba. Les oreilles se tendent – pas toujours facile de reconnaître les sons. Qu'on s'asseye à la console mobile ou qu'on lui préfère la console fixe – les deux pouvant servir simultanément –, on se croirait aux manettes d'un véhicules du futur ou dans le cockpit d'un avion. À lui seul, l'orgue possède plus de soupapes qu'une armada de voitures de course sur un circuit de Formule 1. Une maquette révèle ce qui se cache derrière ses tuyaux, le fonctionnement des sommiers, des vergettes et de tous les éléments mis en mouvement quand on appuie sur les touches. Tirants et boutons appellent les timbres souhaités, pédales et tirasses commandent les jalousies, les nuances et les accouplements de claviers. Aux commandes, Lucile s'essaie à différents répertoires, improvise, varie les couleurs afin d'exposer toutes les facettes de son instrument. Rien de plus impressionnant que de voir ses pieds s'agiter avec une telle dextérité. « Cet orgue est si riche, explique-t-elle, qu'il lui faudra encore beaucoup le fréquenter afin d'en maîtriser tout le potentiel ». Une bonne raison pour les enfants de l'accompagner dans cette découverte, et dans celle de la magnifique acoustique de l'Auditorium de Radio France, grâce aux ateliers d’orgue.
François-Gildas Tua