Un nouvel orgue à la Maison de la radio

Vendredi 27 novembre 2015
Un nouvel orgue à la Maison de la radio | Maison de la Radio et de la Musique
Lionel Avot est conseiller musical chargé de l’orgue de Radio France. Il nous parle du nouvel instrument construit par Gerhard Grenzing pour l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique. Instrument qui sera présenté lors de deux concerts, les 10 et 12 décembre, en attendant son inauguration au printemps prochain.

LIONEL AVOT, entre l’orgue et vous, c’est une longue histoire d’amour…
En effet, depuis ma rencontre en 1988 avec Jean Boyer, qui a été mon premier professeur, puis avec Aude Heurtematte, avec qui j’ai ensuite poursuivi mes études à Lille, je ne cesse de mettre toute mon énergie au profit de cet instrument. Le concert du 10 décembre 2015 à la Maison de la Radio et de la Musique permettra d’entendre les premières notes de notre nouvel orgue sous les doigts de Vincent Warnier dans la Troisième symphonie de Saint-Saëns avec l’Orchestre National. Et le 12, la Maîtrise et le Chœur à leur tour chanteront avec l’orgue.
 
Et après ces deux premiers concerts ?
Nous avons pour ambition de faire vivre pleinement l’instrument. De grands récitals marqueront nos prochaines saisons, mais nous imaginons quantité d’autres projets qui ont pour ambition de présenter l’orgue sous des visages parfois inattendus.
 
Vous êtes vous-même organiste : en quoi ce nouvel orgue diffère-t-il de celui de la Philharmonie de Paris qui, lui aussi, a été pensé pour une salle de concert ?
L’orgue Rieger de la Philharmonie de Paris a été joué pour la première fois le 28 octobre 2015 avec une improvisation de Thierry Escaich puis la Symphonie n°3 de Saint-Saëns. A cette occasion, il avait bien été précisé que l’orgue était encore en cours de réglage et le serait encore pendant plusieurs mois, comme l’avait précisé Michel Garnier, facteur d’orgue chez Rieger. Il faudra attendre la fin des travaux pour pouvoir en savourer toutes les couleurs. L’orgue de Radio France est lui aussi toujours en cours d’harmonisation. Tous les jeux n’ont pas encore été installés (à ce jour environ 60 % ont été harmonisés) mais l’équipe travaillera jusqu’au dernier moment pour permettre de donner les concerts des 10 et 12 décembre prochains dans d’excellentes conditions. Les compagnons de Gerhard Grenzing reprendront ensuite leur travail d’harmonisation et de réglage…
 
La nuit, d’après ce que j’ai pu comprendre…
Oui, car l’Auditorium est presque tout le temps occupé par les répétitions ou les concerts de nos formations. Il faut nous armer de patience ! Je rappelle que, dès 2007, un comité d’organistes a été constitué avec Michel Bouvard, François Espinasse, Thierry Escaich, Bernard Foccroulle, Olivier Latry et Jean-Pierre Leguay. Ce Comité a suivi pas à pas l’avancement des travaux. Par ailleurs, Jean-Michel Mainguy, conservateur de l’orgue, suit de près tous les travaux et sera un interlocuteur privilégié pour veiller à l’entretien de notre instrument.
 
Une fois l’orgue installé, il faut donc l’harmoniser. Qu’est-ce au juste que l’harmonisation ?
Cette étape, cruciale, consiste à donner à chaque tuyau une sonorité propre de sorte que l’instrument soit parfaitement équilibré en fonction de l’édifice, de l’acoustique, etc. C’est le cabinet Nagata Acoustics, spécialiste en ingénierie du son et connu pour avoir contribué à la conception de plus de soixante-dix salles, et le cabinet Jean-Paul Lamoureux Acoustique qui ont pensé l’acoustique de l’Auditorium. Dès que j’ai un moment, j’y descends pour écouter quelques sons à la faveur du passionnant travail en cours ! La poésie des jeux de fonds, les premiers harmonisés, m’a tout de suite enchanté. Dans cette salle, tout est conçu pour que le son circule et se réfléchisse grâce à des parements de bois sur les balcons et à des polycylindres situés à l’arrière des gradins. Le plafond, quant à lui, a été équipé d’une lentille réfléchissante…
 
La fameuse canopy !
Oui, afin d’optimiser la propagation et la réflexion acoustiques, utiles à la relation entre les musiciens eux-mêmes et à la qualité sonore diffusée dans la salle. Tous ces paramètres jouent dans le travail d’harmonisation qu’il faut accomplir sur place.
 
On dit souvent que l’harmonisation donne son âme à l’instrument…
Ne confondez pas harmoniser et accorder. Pour donner un ordre d'idée, l'harmonisation sur les tuyaux à bouche se règle manuellement en ouvrant ou fermant l'ouverture du pied, de la lumière et de la bouche. Le métal, en général de l'étain mélangé à du plomb, est souple et se travaille avec des couteaux plats, des ciseaux et un petit marteau. Lorsqu'il y a des oreilles, il faut les adapter également. Le réglage de la pression du vent est lui aussi essentiel. Selon l'agencement de ces divers paramètres, le son d'un même tuyau sera plus clair ou plus sourd, plus mat ou plus brilant, plus terne ou plus perçant, avec plus ou moins d'attaque.
 
Qu’apporte une salle de concert par rapport à une église ou une cathédrale ?
Je suis convaincu qu’il existe un public amateur d’orgue qui ne fréquente pas encore notre Auditorium et qui franchira le pas si nous lui proposons un répertoire de qualité pour orgue et orchestre avec ou sans chœur. Quant à ceux qui fréquentent déjà les salles de concert mais ne se rendent pas dans les églises pour écouter de l’orgue, ils seront certainement ravis de faire de nouvelles découvertes sonores et d’apprécier un nouveau répertoire trop rarement joué en France du fait du manque d’orgues de salle.
 
Le répertoire pour orgue et orchestre est-il si abondant ?
A ma connaissance, il y a plus de 500 partitions pour ce répertoire, patrimoine qui ne cesse de s’enrichir au fil des créations qui ont lieu ici ou là dans le monde. D’une manière générale, le répertoire pour orgue est probablement le plus riche en comparaison avec les autres instruments occidentaux.
 
Pourquoi ?
Notamment parce qu’il a été inventé au IIIe siècle avant J.C. par Ctesibios d’Alexandrie. Certaines œuvres n’ont jamais fait l’objet d’enregistrement au disque, il s’ouvre donc un vaste champ pour nos orchestres avec l’arrivée de ce nouvel instrument. Notre maison a déjà une longue tradition puisque la Salle Olivier Messiaen disposait déjà d’un orgue construit par les ateliers Danion Gonzalez en 1967, restauré en 1991 par Dargassies et installé en 2008 à Notre-Dame de la Treille à Lille. Celui du studio 103, qui avait été construit en 1965 par Müller, a été placé en 2007 à l’église Sainte-Jeanne d’Arc de Versailles. En outre, sous l’impulsion de Georges Guillard, pendant de nombreuses années, beaucoup de concerts ont aussi été organisés par Radio France dans différentes églises.
 
Il semble que de nombreux compositeurs, organistes ou non, écrivent aujourd’hui pour l’orgue…
Oui, et la construction des deux orgues de salle parisiens va certainement stimuler leur imagination. Je ne peux m’empêcher de citer deux découvertes que j’ai faites récemment à Notre-Dame de Paris : The Fifth Hammer, pièce fantastique de Thomas Lacôte écrite pour orgue à quatre mains et jouée à cette occasion par Yoan Tardivel et le compositeur lui-même; et les deux belles pièces de Pierre Farago sous les doigts d’Anne-Gaëlle Chanon. Si certaines formes associant par exemple l’orgue à la danse ou au cirque sont encore difficilement envisageables dans des églises, une salle de concert sera tout à fait à même d’accueillir des concerts inattendus.
 
Quel sens a un choral de Bach dans une salle comme l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique ?
Je poserais plutôt ainsi la question : peut-on imaginer une interprétation « authentique » d’un choral de Bach sur l’orgue de l’Auditorium ? Pour y répondre, j’ai envie de reprendre les mots de Jean Boyer : « Même avec ces clefs, le mystère Bach demeure entier. On ne doit pas s’intéresser à une œuvre parce qu’on aime l’histoire, voire son histoire, mais bien parce qu’on aime cette œuvre ». L’orgue de Radio France, tel que voulu par le cahier des charges, doit permettre de s’adapter à presque tous les répertoires, tout en veillant à pouvoir se fondre dans l’orchestre avec des sonorités très douces ou bien en apportant une masse sonore importante (d’où la présence exceptionnelle de trois boîtes expressives). Il a également été demandé au facteur de concevoir un instrument qui pourrait également servir le répertoire pour orgue seul. Bien entendu, la musique d’un François Couperin ne sonnera jamais aussi bien que sur un instrument historique comme celui de Saint-Gervais. Celle d’un Francisco Correa de Arauxo délivrera toutes les couleurs de l’Andalousie sur un instrument espagnol, et on peut penser qu’un choral de Franck sera mieux servi sur un Cavaillé-Coll avec tous ses jeux de fonds, ses anches à la couleur si particulière et le mystère de ses voix humaines. Mais je parie que tous ces répertoires ne démériteront pas quand ces oeuvres seront jouées à la radio.
 
Une campagne de mécénat soutient cette volonté…
En effet, une campagne de mécénat, avec l’appui de la Fondation musique et radio, a démarré le 2 novembre dernier. Elle vise à créer un cercle des mécènes de l’orgue et à faire participer les donateurs aux futures activités que l’instrument va susciter. Sont notamment envisagés l’organisation d’ateliers et de visites pédagogiques, des masterclasses publiques, des résidences de jeunes organistes, un cycle orgue et cinéma, des fictions radiophoniques avec France Culture, un concours de composition… Les manifestations que nous prévoyons du 7 au 9 mai 2016 commenceront à illustrer cet inventaire.
 
Combien y a-t-il d’orgues de concert en France ? La situation est-elle différente à l’étranger ?
Le fait que la France comptabilise près de 12 000 orgues mais seulement trois dans des salles de concert (à l’Auditorium de Lyon et désormais à la Philharmonie de Paris et à la Maison de la Radio et de la Musique) explique en partie pourquoi la création de ces deux nouveaux instruments constitue un événement majeur de notre vie musicale. D’autant que l’école d’orgue française (interprètes, compositeurs, improvisateurs) est célèbre aussi bien en Europe qu’en Asie et en Amérique. Avec près de 500 classes d’orgue en France (des conservatoires aux écoles associatives) et 2 000 associations (regroupant quelque 50 000 membres) directement liées aux instruments, l’orgue témoigne d’une exceptionnelle vitalité, comme en témoigne également le nombre de concerts d’orgue : plus de 1 000 chaque année !
 
Propos recueillis par Christian Wasselin
 
Le concert du 10 décembre sera diffusé en direct sur France Musique ; celui du 12 décembre sera diffusé ultérieurement.
 
Les premiers concerts de l’orgue de Radio France :
- 10 décembre 2015 à 20h : Vincent Warnier et l’Orchestre National de France, dir. Christoph Eschenbach (Symphonie n°3 de Saint-Saëns) ;
- 12 décembre 2015 à 18h : Denis Comtet avec le Chœur et la Maîtrise de Radio France, dir. Marc Korovitch (Holst, Salter, Fauré, Brahms, Britten et Escaich) ;
- 17 février 2016  à 19h : Yves Castagnet et le Chœur de Radio France, dir. Florian Helgath (Requiem de Maurice Duruflé, version orgue seul) ;
- 10 mars 2016 à 20h : Olivier Latry et l’Orchestre National de France, dir.Fabien Gabel (Concerto pour orgue de Poulenc). Festival « A la française ». 
- 13 mars 2016 à 16h : Olivier Latry, récital. Festival  « A la française ».
- du 7 au 9 mai 2016 : inauguration officielle avec de nombreuses manifestations (dans le cadre du Jour de l’orgue soutenu par Orgue en France).

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