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Portrait de Sofia Avramidou

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Chants pour Orphée
Publié le mer 26/11/2025 - 17:15
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Sofia Avramidou - Photo : DR
Sofia Avramidou - Photo : DR
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Entre racines méditerranéennes et quête de sons nouveaux, son écriture mêle instruments traditionnels, électronique et vaste palette orchestrale. La compositrice grecque fait résonner sa voix entre deux œuvres de Georges Aperghis. 

Il y a un an, Sofia Avramidou attendait un heureux événement. « La naissance de mon fils a bouleversé mon existence, glisse la jeune maman. Ma gestion du temps a changé mais, paradoxalement, la composition m’est devenue encore plus essentielle. Les deux œuvres créées au festival Présences sont ainsi dédiées à mon fils Orphée. » Pareille au héros mythologique, Sofia Avramidou grandit dans le Nord de la Grèce, entourée de musique. « Mon père, médecin, était un grand collectionneur d’instruments traditionnels, précise la compositrice. Dès mon plus jeune âge, j’ai pratiqué le piano, la guitare, l’oud ou encore l’accordéon. Ma mère m’a raconté que je chantais quand j’étais bébé : j’imitais les sons avec ma voix. » 

Dès l’adolescence, Sofia Avramidou se produit comme chanteuse de musique traditionnelle dans toute la péninsule hellène. Se perfectionnant dans l’étude de la musique byzantine et des hymnes religieux grecs, l’envie d’écrire ses propres compositions la saisit : « J’aimais beaucoup arranger les œuvres que je chantais pour plusieurs instruments. » Elle poursuit dès lors ses études à l’Université de Thessalonique avant de partir à l’Accademia di Santa Cecilia de Rome auprès d’Ivan Fedele. Mais c’est à Paris, en 2019, que se produit le déclic définitif pour Sofia : « Le cursus informatique de l’Ircam a métamorphosé ma perception du son. Désormais, lorsque j’écris une pièce de musique acoustique, la pensée électronique influence jusqu’à ma manière d’écrire pour les instruments. » Créé en 2021, l’impressionnant Géranomachie témoigne de cette hybridation des sons, entre un grand ensemble et une partie électronique. Depuis, Sofia Avramidou a multiplié les expériences inédites : dans Jeux, elle mêle formation classique (Ensemble intercontemporain) et jazz (Orchestre national de Jazz), alternant passages écrits et d’autres improvisés. 

En 2024, elle franchit le cap important de la scène : « Avec mon opéra De l’autre côté d’Alice, j’ai enfin pu réaliser mon rêve de théâtre musical. J’adore travailler sur des projets multidisciplinaires ; ici je collaborais pour la première fois avec des marionnettistes, tout en incarnant un conte de fées qui m’est particulièrement cher. » Outre Lewis Carroll, la compositrice s’inspire régulièrement de la littérature et de la science-fiction ; le remarquable What can that be but my apple-tree ? (2021) évoque le conte La Jeune Fille sans mains des frères Grimm. Présenté en création mondiale le 8 février, Innsmouth pour grand orchestre renoue avec l’un de ses auteurs de prédilection : « J’aime H. P. Lovecraft depuis que je suis enfant. Son imaginaire sombre m’évoque de puissantes images sonores. Quand je lis ses contes, j’aime noter ou recomposer des sous-titres. Dans Le Cauchemar d’Innsmouth, la phrase “Le clocher désaccordé et dissonant d’une vieille église” m’a énormément frappée. Comment traduire cette image en musique ? De même, dans le village imaginaire d’Innsmouth, Lovecraft écrit tout à coup : “les habitants chantaient en hurlant”. C’est un formidable défi pour un compositeur. J’ai travaillé avec une ancienne psalmodie araméenne, très simple, qui se déforme ensuite jusqu’au cri. » 

Si Avramidou refuse de livrer tout élément trop narratif (à l’auditeur de composer son propre rêve ou cauchemar lovecraftien), elle insiste sur les possibilités infinies de la formation symphonique : « J’ai adoré composer pour orchestre, j’affectionne les énormes masses sonores et j’aime créer des textures élaborées et contrastées. » En prélude à ce concert de clôture (l’Orchestre National de France sera dirigé par Cristian Măcelaru), Sofia Avramidou se produit également le 31 janvier, avec son groupe nouvellement constitué. Dimorphos est en effet le duo qu’elle forme avec le contrebassiste Nicolas Crosse. La musicienne y déploie la synthèse de tout ce qui compose son identité d’artiste : « Avec ce projet, je tâche de m’exprimer dans toutes mes dimensions musicales. Je renoue avec mon passé de chanteuse avec des chants traditionnels grecs et byzantins ; j’utilise également de l’électronique qui hybride ma voix ; on retrouve aussi des passages improvisés et d’autres entièrement écrits, aux côtés de la contrebasse de Nicolas, qui amène lui aussi son vécu musical. » 

Quand on lui demande finalement ce que son nouveau rôle de maman lui a appris en tant que compositrice, Sofia Avramidou déclare : « Je pense faire davantage confiance à mon instinct qu’autrefois. Ma musique est aujourd’hui plus libre. » Longue vie et tous nos vœux de réussite aux deux œuvres de Sofia Avramidou créées lors de ce festival Présences. 

Laurent Vilarem 

George Aperghis © Radio France / Christophe Abramowitz

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Festival Présences 2026