Beethoven 250
L’histoire, le moi

Beethoven lit les journaux, s’intéresse aux soubresauts de l’Histoire qui s’accélère, là, sous ses yeux. Il comprend que le temps n’est plus où un Haydn n’était guère que le fournisseur, certes apprécié, des partitions dont la cour des Esterhazy avait besoin. Ancrées au départ dans le classicisme viennois, ses œuvres vont prendre au fil des années une tout autre ampleur et se faire le réceptacle de son moi le plus intime. Symphonie, quatuor, sonate : Beethoven invente ce que Berlioz appellera le « genre instrumental expressif ». Mais Beethoven voit aussi Bonaparte se profiler à l’horizon – Bonaparte qui, tel un Don Juan de l’Histoire, va tatouer son temps et ravir l’Europe. Ambassadeur des Lumières ou tyran ? Beethoven s’enthousiasme pour le général mais se sent trahi par l’empereur. Car Ludwig, irascible mais optimiste, est animé par un double idéal qui le pousse à récuser toute forme de nationalisme (au contraire de ce que fera un Wagner) et à chanter la fraternité avec une candeur mêlée d’obstination : ce sera bien sûr le message de Fidelio et de la Neuvième Symphonie.
Un texte, bien sûr, ne saurait se réduire à son contexte ; mais le Beethoven que Radio France vous propose d’entendre cette saison est celui-là : le Beethoven des symphonies impaires, celles qui chantent l’héroïsme et le destin ; celui des sonates pour piano, qui forment un journal intime en trente-deux chapitres ; celui des derniers quatuors, où le compositeur se libère de toutes les pesanteurs pour défricher des terres inconnues. Est-ce la rumeur de l’Histoire qui a rendu Beethoven sourd ?