Jazz

Aussi multicolore que féconde, la scène du jazz d’aujourd’hui se livre « sur le vif », avec tout le confort moderne du Studio 104. Cette saison, les grandes formations tiennent le haut du plateau. Sur le versant patrimonial, l’Umlaut Chamber Orchestra de Pierre-Antoine Badaroux ressuscite la mythique Zodiac Suite de Mary Lou Williams, tandis que l’Orchestre National de Jazz de Frédéric Maurin fait revivre le répertoire jubilatoire du Dodecaband de Martial Solal. Si le Tentet de Laurent Cugny prolonge l’héritage de Miles Davis en se branchant à l’électricité, le grand orchestre Tous Dehors privilégie l’échange entre les générations, et le Kami Octet de Pascal Charrier renoue avec l’engagement de la Great Black Music, en rendant un émouvant hommage au monde ouvrier.
Sous le patronage éclairé du trompettiste défricheur Dave Douglas, les cuivres s’en donnent eux aussi à cœur joie. La palette du trio de Yoann Loustalot et la spontanéité d’Airelle Besson et de ses partenaires trouvent un bel écho dans la joyeuse écriture du jeune tromboniste Robinson Khoury et les recherches stimulantes de son aîné Samuel Blaser.
La série « Jazz sur le vif » propose également un coup de projecteur sur la guitare jazz, dans tous ses états. La présence du mentor Kurt Rosenwinkel ne saurait éclipser l’ingénieuse inventivité d’un fin connaisseur de l’idiome, Romain Pilon, et le goût des racines de Julian Lage, biberonné au blues et aux sortilèges de l’Americana.
Pour parachever le plaisir, on musarde volontiers sur les chemins buissonniers. Franc-tireur amoureux des lisières, le pianiste Bruno Ruder explore les joies du solo, sans filet. A la manière de Charles Mingus, la contrebassiste Hélène Labarrière entraîne ses camarades de « Puzzle » dans une savoureuse évocation de figures féminines pionnières. Il revient alors à la bandonéoniste Louise Jallu d’enluminer le tout aux couleurs du tango contemporain. Où l’on voit que le jazz, comme toujours, se réinvente au contact de musiques cousines.
Arnaud Merlin