3 questions à Julie Gayet

Je suis tombée dans cet univers en apprenant le piano, puis le chant lyrique dès l’âge de huit ans et jusqu’à mes vingt ans. C’est en interprétant Barberine dans Les Noces de Figaro de Mozart que j’ai eu envie d’aller plus loin dans mon jeu, de pleurer avec mon personnage par exemple. Cela a été une grande douleur pour moi d’arrêter de chanter, et pendant très longtemps, je ne suis que peu allée assister à des représentations d’opéra. C’est grâce au cinéma que cette passion m’est revenue, notamment grâce à La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski (sorti en 1991, ndlr) et à la pratique du chant choral. Aujourd’hui, je suis aussi sensible à cette forme de musique contemporaine qui laisse une certaine place à l’improvisation, car elle met l’accent sur l’écoute que peuvent avoir les musiciens entre eux. J’aime qu’il y ait une part de surprise.
Pour Léna et l’orchestre enchanté, vous avez travaillé avec le compositeur Mathieu Lamboley. Comment cette collaboration s’est-elle déroulée ?
La qualité d’écriture du texte et de la musique de Léna me pousse à trouver un équilibre entre ces deux mondes. Bien sûr, par la forme, Léna peut rappeler des œuvres comme Pierre et le Loup de Prokofiev ou Fantasia (1940), mais cela m’a aussi rappelé le travail d’Alexandre Desplat à la fin du film Moonrise Kingdom de Wes Anderson, dans cette manière de décomposer l’orchestre pupitre par pupitre : cela permet au spectateur de comprendre toutes les composantes de l’orchestre, et donc de la musique. L’écriture de Mathieu Lamboley met l’accent sur une grande palette d’émotions, allant d’un léger sentiment d’enfermement, de peur et de suspense aux grands sentiments de joie qu’une fanfare peut provoquer, comme Nino Rota pouvait le faire. Il a créé un univers sonore ludique et singulier.
Vous citez beaucoup de films et de musiques de films. Vous avez créé un festival (Sœurs Jumelles à Rochefort) mettant à l’honneur musique et image. D’où vient cette sensibilité pour ce genre de musique ?
C’est un petit peu l’histoire de ma vie. J’ai toujours abordé mes rôles par la voix, en travaillant l’énergie, la rythmique du jeu. Je vois un scénario comme une partition. Aujourd’hui, musique et image sont intimement liées, on ne parvient presque plus à les dissocier. J’ai eu envie qu’on ressente la présence du compositeur qui, que ce soit dans un film, un spectacle ou un jeu-vidéo, est l’un des créateurs de l’œuvre. Avec Léna, j’ai envie de montrer aux enfants que derrière une histoire, il y a une musique, des instruments, et que derrière les instruments, il y a des musiciens dotés chacun de leur personnalité. J’ai envie de montrer comment tout cela respire, s’écoute, résonne. C’est aussi l’histoire de ce conte, qui parle des spécificités des instruments de l’orchestre et montre la manière dont, tous ensemble, ils créent un même souffle et une même énergie. En un mot : un morceau.
Propos recueillis par Gaspard Kiejman