C'est elle, Joséphine

JOSÉPHINE STEPHENSON, COMMENT A COMMENCÉ pour vous la grande aventure de la musique ?
Assez classiquement. Mes parents et mes grands-parents étaient mélomanes, j’ai moi-même étudié le piano puis le violoncelle. Chez nous, le chant allait de soi, nous chantions des canons dans la forêt ou dans la voiture, je faisais partie d’une chorale locale, et j’ai intégré la Maîtrise de Radio France à quatorze ans tout en m’inscrivant en classe de violoncelle au Conservatoire de Boulogne.
Et c’est à la Maîtrise que vous avez fait vos premières armes en composition…
Oui, il existe un concours de composition ouvert aux maîtrisiens. Je l’ai tenté en 2006, au cours de ma première année, je l’ai gagné, et la pièce que j’ai écrite a été jouée en public, lors du concert de fin d’année, sous la direction de Toni Ramon. Il s’agissait d’une œuvre pour chœur a capella sur un poème en anglais, Go By Brooks de Leonard Cohen. Je n’avais pas vraiment bénéficié de cours de composition, même si à la Maîtrise nous faisions des harmonisations, de chorals de Bach par exemple. De même, il était impossible de s’inscrire en composition à Boulogne sans avoir auparavant obtenu une médaille d’écriture.
Et ensuite ?
Après mon bac, je suis partie étudier la musicologie à l’Université de Cambridge. J’ai aussi chanté dans le chœur de la chapelle affiliée au collège, et j’ai découvert cette tradition qui m’était inconnue. Là encore, j’ai participé au concours de composition et je l’ai gagné. Par la suite, j’ai pu me mettre sérieusement au travail avec Giles Swayne, un ancien élève de Messiaen qui a écrit beaucoup de musique chorale, et j’ai passé mon master de composition avec Kenneth Hesketh au Royal College of Music, où j’ai pu m’ouvrir à tous les courants de la musique contemporaine. Je peux dater de 2014 mes premières vraies partitions personnelles, qui sont aujourd’hui au nombre de quinze, environ, dans tous les domaines : musique de chambre, musique d’ensemble, musique d’orchestre. J’ai eu la chance en effet de suivre un atelier d’orchestre au Royal College avec Mark Anthony Turnage, ce qui m’a permis d’orchestrer une étude pour piano que j’avais composée. Plus tard, pendant l’été 2013, je suis allée plus loin en écrivant Abend, une partition symphonique plus ambitieuse, d’une dizaine de minutes, d’après un poème de Rilke. Il ne s’agissait pas de musique à programme, le poème m’ayant servi essentiellement à donner sa forme à la partition.
Pour la Maîtrise de Radio France, vous avez composé une œuvre intitulée Ce n’était pas nous, qui sera créée le 9 avril, dans le cadre du festival « Atout chœur »…
Oui, c’est une œuvre de huit minutes pour chœur à trois voix égales, c’est-à-dire pour chœur d’enfants dont les voix ont le même registre. Il va de soi que mon expérience au sein de la Maîtrise m’a beaucoup aidée.
Quel texte avez-vous mis en musique ?
Il s’agit de cinq poèmes qui ont été écrit spécialement pour l’occasion par Antoine Thiollier, un jeune auteur qui travaille avec la compagnie L’Éventuel Hérisson Bleu. C’est une œuvre plutôt consonante, qui n’est pas techniquement très difficile, mais dont j’ai essayé de rendre les accords intéressants, imprévus. Je me suis concentrée sur la manière de mettre en musique le texte et de traiter la langue française. J’ai aussi essayé de mettre en valeur dans la partition les jeux de mot qui se trouvent dans le texte. Quand il est écrit dans le poème « hiver Marseille », je me suis permis, pour ceux qui reprennent en écho les dernières syllabes, d’écrire « vers Marseille » afin que le calembour soit clair pour tout le monde ! Il s’agit de textes plutôt abstraits mais qui, sous la surface, abordent des questions un peu plus graves.
Quels sont vos projets ?
Je prépare avec Antoine et sa compagnie un opéra intitulé Les Constallations, une théorie, sur un livret inspiré à la fois de l’Odyssée et de Tchekhov, où il y aura aussi de la science-fiction, et qui sera créé le 13 décembre prochain au Bateau Feu de Dunkerque. Il s’agit d’une coproduction avec l’Opéra de Lille.
Propos recueillis par Christian Wasselin
Le concert du 9 avril à 17h30 sera diffusé ultérieurement sur France Musique.