Des musiques au poil

Jeudi 7 septembre 2023
Des musiques au poil | Maison de la Radio et de la Musique
Appelons un chat un chat : cette année, Radio France fait la part belle à nos amis les animaux, à travers une programmation musicale plus que jamais au poil ! De quoi donc ravir petits et grands qui se verront conter l’histoire de créatures extraordinaires. Avouez-le, il serait bête de ne pas se laisser tenter ! 
 
Au sein de cette improbable ménagerie, il revient au paon de donner le la, prouvant une fois encore qu’il n’est pas oiseau à se laisser marcher sur les ergots. Car, dans le domaine de la représentation animale en musique, la concurrence est rude, a fortiori chez des volatiles qui n’ont jamais eu à souffrir d’avoir du plomb dans l’aile… De la célébration du rossignol ou de l’hirondelle à l’évocation d’une pie chapardeuse, du chant du coucou à celui du chardonneret, en passant par la voix énigmatique de l’oiseau prophète, des caquètements de la poule aux piaillements de poussins tout juste sortis de leur coque : rien qui ne soit passé sous la plume de musiciens particulièrement attentifs à ces compagnons de jeu. Quand d’aucuns voient les fondements de la musique dans le désir profond d’imiter la nature par le biais des sons, certains compositeurs s’en inspirent volontiers pour nourrir leurs travaux. Ornithologue passionné, Olivier Messiaen ne s’en est du reste jamais caché, ne faisant de ces oiseaux qui murmuraient à son oreille rien de moins que ses « premiers et plus grands maîtres ». 
 
Mais revenons à notre paon. On le dit orgueilleux et hautain ? N’en déplaise à ses détracteurs, il est bien un dindon qui a réussi… en musique aussi ! Comment ne pas l’imaginer, dès lors, en train de se pavaner, satisfait que le grand Maurice Ravel l’ait préféré aux coqs et autres représentants de la basse-cour pour illustrer la première de ses cinq Histoires naturelles, inspirées des textes éponymes du bien nommé Jules Renard ? Car depuis la Renaissance et le savoureux Chant des oiseaux de Clément Janequin où les volatiles se sont, une fois n’est pas coutume, taillé la part du lion, il ne suffit pas de battre des ailes pour se faire entendre ! Qu’importe donc si le succès de l’œuvre devait finalement faire écho à celui de l’arrogant protagoniste, abandonné par sa promise… Le rejet qu’avait suscité la partition auprès du public de la Société nationale de musique valait évidemment mieux qu’une sourde indifférence ! 
 
Mais que le paon rose dont Kaouther Adimi nous livre l’histoire extraordinaire se rassure. Il trouvera chez le jeune public du Studio 104 toute l’attention qui sied à sa traîne, sans avoir à voler dans les plumes d’un rossignol dont il n’a jamais cessé de jalouser le chant depuis la célèbre fable de La Fontaine. À l’œuvre d’Igor Stravinsky, la Maison ronde a préféré cette saison Les Cygnes sauvages du compositeur allemand Carl Reinecke, puisant parmi les abondantes richesses d’un monde musical impitoyable, où le danger de se voir damer le pion par un congénère est décidément partout ! Inspiré du conte de fées d’Andersen, l’œuvre emprunte au romantisme allemand, faisant de l’animal l’une des figures privilégiées de la métamorphose. Du Lac des cygnes de Tchaïkovski à Lohengrin de Wagner en passant par Schwanengesang de Schubert, l’oiseau se faufile allègrement d’une composition à une autre, peu gêné semble-t-il par sa corpulence qui glisse sur l’eau comme le liquide sur ses plumes. Seul un paon trop occupé à faire la roue pouvait ignorer en effet qu’une vingtaine de vertèbres cervicales recouvertes d’un duvet immaculé confèrent à l’oiseau une allure majestueuse, susceptible de séduire au-delà de son unique éventail ! 
 
Camille Saint-Saëns, pour sa part, ne s’y était pas trompé, faisant également du Cygne une page incontournable de son célèbre Carnaval des animaux, lequel s’impose à l’évidence dès lors qu’on évoque nos amies les bêtes. Un comble pour le compositeur qui ne voyait dans cette grande fantaisie zoologique rien d’autre qu’une distraction. La petite histoire ne dit pas d’ailleurs si le nom du commanditaire et créateur de l’œuvre, le violoncelliste Charles Lebouc, est pour quelque chose dans le choix du sujet. Tout au plus peut-on imaginer que Le Cygne, qui met merveilleusement en valeur les qualités expressives du violoncelle, ne lui est pas étranger. C’est d’ailleurs la seule pièce dont Saint-Saëns autorise l’exécution, craignant que cette pochade musicale ne finisse par ternir sa réputation de sérieux. Il faudra dès lors attendre sa mort pour que la partition soit de nouveau jouée en public dans son intégralité.  
 
Si Saint-Saëns ne souhaitait assurément pas que la postérité se souvînt de lui comme du compositeur du Carnaval des animaux, l’œuvre n’en reste pas moins parmi les plus connues de sa production. Peine perdue, donc, pour le musicien, dont l’initiative eut l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, ô combien célèbre, de son « Aquarium ». Jusqu’au Festival de Cannes, qui a fait de cette autre page emblématique du Carnaval son générique, il n’est que peu d’endroits que ces guirlandes diaphanes aux subtiles sonorités auront laissés de glace, évoquant avec magie le monde merveilleux des fonds marins pour lesquels Saint-Saëns aurait mérité à son tour de recevoir une palme… Un univers où les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France trouveront encore à s’aventurer par le biais d’un petit poulpe espiègle, dont l’histoire incitera sans doute tout l’auditoire à se jeter à l’eau.   
 
Exception faite de notre paon, dont la fierté légendaire n’est plus à démontrer, il paraît donc difficile d’ignorer combien le règne animal a inspiré les musiciens, pour aboutir à des œuvres majeures. D’autant qu’il permet encore de raconter des histoires en musique, susceptibles de toucher un très large public. Certains compositeurs l’ont bien compris, à l’instar de Sergueï Prokofiev dont on ne présente plus le fameux Pierre et le loup. Conçue comme un « cadeau » pour les enfants de Moscou et un outil en direction des jeunes mélomanes soucieux de se familiariser avec le timbre des instruments de l’orchestre, l’œuvre continue d’interroger quant à de potentiels niveaux de lecture moins immédiatement explicites, à l’époque où la partition qui se jouait en Russie dépassait largement les portées de Prokofiev.   
 
Si La Fontaine n’a jamais caché qu’il se servait des animaux pour instruire les hommes, il apparaît en effet que les artistes, et les musiciens en particulier, sont de drôles d’oiseaux que n’effraie pas toujours l’idée de se jeter dans la gueule du loup. Croquant les animaux avec une justesse qui ne cesse de surprendre, ils convient encore les enfants à découvrir trois des fameuses histoires du Père Castor mises en musique par Isabelle Aboulker. Un cadeau de plus que le canidé ne saurait toutefois gâcher, son apparition s’avérant aussi furtive que peu avantageuse… D’autant qu’à ce jeu-là l’ours Michka aura tôt fait de lui voler la vedette, rappelant aux parents d’aujourd’hui que, si la mise en musique de la gent animale n’en finit pas d’accoucher de nouveaux chefs-d’œuvre, voilà longtemps que le grand méchant loup ne fait plus peur aux enfants !      
   
Fabienne Dewaele-Delalande 

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