Héloïse Werner : Héloïse rime avec Maîtrise

Héloïse Werner, avec cette commande, vous revenez aux sources, puisqu’avant d’étudier le chant et la composition à Cambridge et à Londres, vous avez fait partie de la Maîtrise de Radio France...
Ce projet me rend très heureuse, c’est comme un cercle qui se ferme. J’avais toujours rêvé de pouvoir travailler avec la Maîtrise. Quand j’y chantais, j’avais écrit deux pièces qui ont été chantées dans le cadre d’un concert des finalistes d’une compétition de composition. Cette fois, le cadre est professionnel. La Maîtrise est une formation captivante parce qu’on y fait de la musique appartenant à des styles différents. Quand j’avais douze ou treize ans, on chantait dans le cadre du festival Présences, et c’était une chance de pouvoir travailler avec des compositeurs. On ne s’en rendait même pas forcément compte, on pensait que c’était normal ! Pour moi, ce fut très formateur. On préparait aussi bien la Passion selon saint Matthieu de Bach que des comédies musicales, des pièces de jazz, et même du cross-over. Pratiquer cette palette de musiques tous les jours m’a formée et m’a ouvert les oreilles et les yeux. Depuis lors, je n’ai jamais eu peur d’essayer quelque chose de nouveau.
Avez-vous toujours eu envie de composer ?
Quand j’étais à Paris, en parallèle de la Maîtrise, j’ai étudié le violoncelle au conservatoire, notamment avec Valérie Aimard. J’ai passé mon CFEM* au même moment que mon bac. Ensuite, quand j’ai déménagé à Londres, j’ai continué à faire du violoncelle à l’université, en musique de chambre et dans des orchestres, mais j’ai décidé que je ne voulais pas être violoncelliste professionnelle. Je voulais explorer le chant et la composition. J’ai toujours beaucoup aimé composer, sans vraiment me dire que je voulais être compositrice. C’est un peu la raison pour laquelle j’ai décidé de partir pour l’Angleterre car à l’Université de Cambridge, je pouvais faire un peu de tout : composer, chanter (je chantais dans un superbe chœur) et aussi rencontrer des gens qui n’étaient pas musiciens. Au fur et à mesure, j’ai fait de plus en plus de compositions et de plus en plus de chant, tout s’est produit un peu de façon organique.
Dans quelle mesure devez-vous adapter votre écriture aux jeunes voix ?
La Maîtrise peut tout chanter, le niveau des chanteurs est tellement haut que je ne vais pas me restreindre ! C’est un privilège d’écrire pour un tel chœur d’enfants. Bien sûr, la couleur des voix d’enfants est différente de celle des voix d’adultes. Peut-être l’une des deux différences principales est que ces voix ne sont pas encore totalement formées ; il y a moins de vibrato, peut-être, mais les maîtrisiennes les plus âgées, à la fin de leurs études, commencent à avoir une voix plus mature. Il sera très intéressant aussi d’explorer les différences de couleur et de maturité vocale à l’intérieur d’un seul chœur, d’en utiliser toute la palette sonore. J’aime écrire de la musique avec des rythmes qui se superposent de façon assez compliquée. Quand ça marche, le résultat est très beau !
En vous écoutant, j’ai l’impression que vous êtes aussi ce que les Anglais appellent une performer, dans le sens d’une Meredith Monk justement...
Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas qu’une chanteuse qui chante sur une scène. Je suis autant compositrice que performer, c’est vrai, un mot qui n’existe pas vraiment en français. Quand j’écris une pièce, je pense à ce que l’interprète va ressentir et à la manière dont il va pouvoir l’interpréter. Mon cerveau d’interprète est toujours présent quand je compose, et quand je chante, je pense au processus de composition.
Propos recueillis par Suzana Kubik
* Certificat de fin d’études musicales.