Ibrahim Maalouf le visiteur

La scène ? Il connaît. Le répertoire classique, le jazz, les envies d’ailleurs ? Il connaît aussi. Et le public le connaît également, depuis des années. Ibrahim Maalouf a quarante et un ans, et plus personne, ou presque, ne peut aujourd’hui ignorer son nom. Des projets par centaines, des concerts par milliers, des disques vendus par centaines de milliers, et autant de spectateurs qui ont déjà vibré, les bras levés, au son de ses mélodies irrésistibles, lumineuses et volatiles. Figure incontournable du paysage du jazz français, il y occupe pourtant toujours une place à part.
Dans ses mains, il tient un instrument unique. Cette trompette microtonale, inventée par son père musicien dans les années 60. Le quatrième piston fonctionne comme un sésame et, miracle, ouvre la voie aux quarts de ton, essentiels dans la musique arabe : dès le début de son apprentissage de musicien, Ibrahim Maalouf, franco-libanais, possède la clef des portes de l’Orient.
D’une solide formation classique, bardé de prix et de récompenses, il n’a jamais laissé ses connaissances prendre le pas sur ses rêves de liberté. Pas de route toute tracée dans la discographie du musicien. Des duos, des quartets, des gangs de grooves brûlants, des pièces symphoniques, des musiques de films, des œuvres pour trompette et orchestre, des escapades vers le rap, la pop, la chanson française, des bouquets de notes modernes, jazz, classiques, orientales, tigrées, cubaines, africaines, d’Oum Kalthoum à Dalida, de Mathieu Chédid à l’Orchestre de chambre de Paris.
Voilà son moteur : sa soif d’exploration, de rencontre, connectée à son cœur. Presque une définition de l’improvisation, qu’il enseigne et à laquelle il a récemment consacré un livre. À ses étudiants, il raconte qu’elle est partout, dans le jazz comme dans la musique arabe, comme dans la musique classique. Ensuite, il leur lance : « Faites ce que vous voulez ! » Le plus précieux des conseils, par le plus talentueux des aventuriers.
Nathalie Piolé