Le Grand Tour : Le Théâtre impérial de Compiègne

Dernier théâtre de cour de France, le Théâtre Impérial est élevé sur l’emplacement de l’ancien Couvent des Carmélites, immortalisé en 1957 par Poulenc et Bernanos dans l’opéra Dialogues des Carmélites. Sa construction débute en 1867 à la demande de Napoléon III, afin de divertir la cour qui l’accompagne pendant ses séjours à Compiègne chaque automne à partir de 1856. Rappelons combien la ville fut... royale ! Les Mérovingiens et les Carolingiens en font leur siège principal, Charles V y bâtit un nouveau château, Louis XV compte en faire sa résidence… Compiègne aura vu passer toutes les lignées de la monarchie. C'est finalement Napoléon III qui donne ses lettres de noblesse au château. Les travaux, menés par le célèbre architecte Gabriel-Auguste Ancelet, sont stoppés par la guerre franco-allemande de 1870. L’inauguration, prévue pour 1871, n’a donc pas lieu, et le théâtre reste abandonné. Il sera inauguré, après un long sommeil de cent vingt ans, en 1991.
Derrière son entrée modeste et la façade sobre de l’édifice, se trouve un théâtre fabuleux à plus d’un titre. Les sculptures de Gustave Crauk ont été sauvées et mises en place, mais aucune peinture n’est venue colorer l’espace, et le plafond, où devait notamment figurer un décor d’Élie Delaunay, est resté nu. S’inspirant de l’Opéra royal de Versailles, l’œuvre architecturale est représentative de l'esthétique du Second Empire : structure métallique pour la charpente et matériaux traditionnels (du bois à 90%) pour l’intérieur, donnant ainsi une sonorité et des volumes majestueux (ouverture de scène très large, équivalant à celle du Châtelet à Paris : 12 m de longueur et 11 m de profondeur).
Un écrin acoustique unique au monde
Un état d’abandon mais une excellente conservation… Pierre Jourdan lui donne une nouvelle vie. En 1987, l’association qu’il préside « Pour le Théâtre Impérial de Compiègne », décide de réhabiliter ce grand lieu de la scène lyrique. Il se bat pour recueillir des fonds, auprès de partenaires publics et privés et préparer avec l’architecte Renaud Bardon un programme de restauration. Il fonde ensuite l’association « le Théâtre Français de la Musique » chargée de la programmation. La salle est inaugurée en septembre 1991 avec Henry VIII de Saint-Saëns, qui n’avait pas été joué depuis soixante-dix ans. Depuis, l’institution a permis à un public fidèle de redécouvrir des œuvres rares ainsi que des chanteurs aujourd’hui connus internationalement (Teresa Berganza, Lucas Debargue, Les Siècles, Sabine Devieilhe…). La salle de huit cents places bénéficie d’une acoustique exceptionnelle grâce à sa conception, construite « à l'italienne », qui offre une réverbération naturelle. Pour l’anecdote, le célèbre chef italien Carlo Maria Giulini, venu diriger un concert en 1992, considérait la salle « comme l’une des plus parfaites du monde, plus accomplie encre que celle du Musikverein de Vienne ».
L’un des plus grands joyaux français dédié à la musique et à l’art lyrique
Le décès de Pierre Jourdan en 2007 est suivi l’année suivante par la disparition des deux associations qu’il avait créées. Éric Rouchaud se voit alors confier la direction des trois salles de la ville, poste qu’il occupe toujours aujourd’hui. Tout en poursuivant les efforts entrepris, il a su insuffler un véritable dynamisme culturel au Théâtre impérial avec la présence d’artistes en résidence, et en invitant les plus grands artistes de notre époque. En 2023 encore, le projet est fondé sur la présence d’artistes en résidence, donne une large place à la création et à de nombreuses coproductions des spectacles musicaux. Avec cette volonté farouche de dépoussiérer l'opéra, de le rendre accessible à tous, il programme ainsi chaque saison entre 25 et 30 représentations qui attirent près de 15 000 spectateurs, venu de Paris, Lille, voire de Belgique. Le théâtre rayonne sur son territoire. Le 31 mars, l’Orchestre National de France et Diana Damrau rayonneront en son sein.
Gabriele Oliveira Guyon