L’idée fixe de Bruno Mantovani
« L’IDEE FIXE » : LE TITRE renvoie évidemment à la Symphonie fantastique. Pourtant, la partition de Mantovani ne contient aucune citation de ce thème que Berlioz associait à l’inaccessible bien-aimée. Elle n’est pas non plus sous-tendue par un substrat littéraire ou autobiographique. D’une seule coulée, elle n’est pas divisée en mouvements aux titres évocateurs. Sa relation avec le prétendu modèle ? Outre l’affection réelle éprouvée par la compositeur pour Berlioz, elle consiste en un « travail sur l’obsession » où la frénésie de l’activité neutralise son propre mouvement. Une idée déjà exploitée dans Streets, programmé le samedi 23 à 20h. Mais la Symphonie n° 1 opère un changement de dimension de par sa durée (une demi-heure) et son ample effectif (bois et cuivres par quatre, six cors, quatre percussionnistes…).
Le couperet final
Des salves de notes répétées nourrissent le dynamisme, paradoxal puisque confinant à l’immobilité. Afin d’être perçues comme la manifestation d’une obsession (et non comme une continuité), ces répercussions se prêtent à des variantes sans lesquelles il n’est point de discours musical. Le compositeur joue notamment sur l’intensité, la densité de la texture (de la monodie à un quasi-tutti avec, au centre de l’œuvre, une étonnante section pour quatuor à cordes), la vitesse (poussée à l’extrême, la répétition se confond avec une vibration, voire avec une note tenue), la distribution des notes répétées entre les pupitres, l’irisation du timbre global par l’introduction de brefs silences trouant les lignes instrumentales. Dans plusieurs sections, les répercussions se cristallisent autour de saccades homorythmiques, dont l’harmonie et la couleur orchestrale (caractérisée par l’absence d’instruments graves) restent constantes.
À la dimension verticale s’oppose un motif mélodique fortement directionnel, dont les répétitions contribuent toutefois à intensifier l’obsession. Il s’agit d’un groupe de notes conjointes, au départ descendantes, soumises elles aussi à un travail de variante et de développement. Ce motif alterne avec l’écriture en notes répétées, à laquelle il se superpose davantage au fil de l’œuvre. Mais la partition se referme abruptement sur les répercussions harmoniques, tel le couperet qui, chez Berlioz, s’abat à la fin de la Marche au supplice.
Hélène Cao
Le concert du 22 mai sera diffusé en direct sur France Musique.