Lionel Sow : « Prendre les richesses musicales de chacun »

Lionel Sow, pouvez-vous nous rappeler votre formation ? Vous avez commencé comme violoniste…
Oui, et je chantais dans un chœur d’enfants dont j’ai repris la direction à l’âge de seize ans. À partir de là, je me suis intéressé à la direction de chœur et je me suis formé au CRR et au CNSMD de Paris. J’ai ensuite travaillé à la Maîtrise Notre-Dame de Paris pendant douze ans, d’abord comme assistant, ensuite comme directeur artistique. C’est pendant ces années-là que j’ai commencé à travailler avec le Chœur de Radio France. Ensuite, j’ai été à la tête du Chœur de l’Orchestre de Paris pendant dix ans, des années assez excitantes ! Et maintenant me voici directeur artistique des chœurs de Wroclaw en Pologne et directeur musical du Chœur de Radio France. Ce sont deux chœurs de physionomie très différente, ce que je trouve stimulant !
Quelle est la plus grande qualité du Chœur de Radio France ?
Le niveau individuel de chaque chanteur et la richesse des voix qui le composent. Je connais peu de chœurs où on ait tant de grandes voix. Plus les chanteurs ont de fortes personnalités musicales, plus il faut travailler pour obtenir la cohésion, et c’est là le défi ! Mais il vaut mieux avoir trop de richesses que pas assez.
Pour parvenir à cette cohésion, les chanteurs doivent-ils oublier cette forte identité vocale ?
Mon objectif, c’est de prendre les richesses de chacun et de les harmoniser, sans les diminuer. Il faut trouver un son, une intention musicale commune dans la précision et dans le détail, sans brider les voix. Dans l’idéal, les chanteurs doivent se sentir libres et à l’aise. Et pour l’auditeur, le son doit sembler homogène. Avec des voix plus petites, on obtiendrait ce résultat plus rapidement ; plus les voix sont grandes et plus il faut construire. L’autre défi du Chœur de Radio France, c’est qu’il n’arrête pas d’aller d’un style à l’autre et qu’il faut réinventer un son pour chaque type de programme. Quand on passe d’œuvres a cappella à un Requiem de Verdi, il faut reconsidérer la manière dont on construit ce son commun, tout en gardant les principes de base.
Quel répertoire souhaiteriez-vous aborder ?
L’une des missions importantes du Chœur de Radio France est le répertoire symphonique. Il nous faut donc cultiver ses chefs-d’œuvre (Verdi, Beethoven, Berlioz, Brahms…) tout en osant prendre des chemins moins connus du public. En ce qui concerne le répertoire a cappella, nous avons une mission par rapport à la musique française. Il y a un savoir-faire identifiable, qui va des questions de style aux questions de diction. J’aimerais aussi aller voir ce qui a pu être commandé par mes prédécesseurs. J’ai une grande admiration pour Marcel Couraud et la richesse des créations qu’il a pu susciter : les Rechants de Messiaen, Épithalame de Jolivet ou le Cantique des cantiques de Daniel Lesur. Ce type d’œuvre doit être réinvesti. Le chœur a un niveau solfégique assez fort, on peut s’aventurer dans des sentiers redoutables ! Par ailleurs, la création aussi est importante. Un chœur de radio doit collaborer avec des compositeurs d’aujourd’hui et commander des œuvres configurées pour sa typologie vocale, son effectif…
Une dernière question : l’Auditorium de Radio France par rapport à celui de la Philharmonie de Paris ?
À Radio France, j’aime la proximité qu’on a avec le son, sa chaleur et sa grande netteté. L’enveloppe sonore est moins réverbérée qu’à la Philharmonie, c’est une acoustique exigeante. Je n’en ai pas encore exploré tous les recoins et secrets, mais ça va venir !
Propos recueillis par Charlotte Landru-Chandès
* Lionel Sow a été directeur du Chœur de l’Orchestre de Paris de 2011 à 2021.