3 questions à Andy Emler
L'orgue, le jazz et le groove

Je suis plutôt pianiste et compositeur… et organiste, dans le sens où j’ai fait mon éducation musicale auprès d’une descendante des Boëllmann-Gigout, grande famille d’organistes. Je suis donc plus un compositeur de culture « classique », avec la dimension pop-rock, qu’un compositeur de culture jazz. J’aurais presque pu demander à Radio France de ne pas mettre le mot « jazz » dans l’intitulé de ce que nous avons fait entendre en février 2018.
Ce qui veut dire ?
Il se trouve simplement que je suis issu d’une génération de musiciens qui a digéré le jazz en même temps que la pop et le rock au XXe siècle. Il n’y a pas de swing dans cette musique, et il est difficile de lui donner un nom. Il s’agit plutôt de l’émanation d’une appréhension de tous les styles du XXe siècle. Je viens d’une tradition classique tout en ayant été aussi guitariste pop-rock.
Quelle est la part d’improvisation dans ce que nous allons entendre ?
Le mélange d’écriture et d’improvisation prend plusieurs formes : il y a des improvisations libres, jouées par Dave Liebman et moi, avec comme consignes des indications de caractère qui opèrent comme transitions ; des moments d’improvisation plus proches de la tradition du jazz, sous-tendus par des grilles harmoniques ; des improvisations proches de la musique baroque, sur des réservoirs de notes, des modes, qui peuvent se rapprocher aussi du bebop (John Coltrane et Miles Davis) ; enfin, nous nous livrerons à des improvisations complètement libres que nous réglerons sur le moment. Ce qui est intéressant est de maîtriser le groove sur un orgue classique, car le problème, avec un instrument aussi monumental, est que les tuyaux se situent à une vingtaine de mètres de la console sur scène. Il y a une certaine latence à prendre en compte quand on se lance dans une ligne de basse qui groove.
Propos recueillis par Christophe Dilys