Mendelssohn, prénom Fanny

Pour Fanny Mendelssohn (1805-1847), composer un quatuor à cordes, c’est affronter le genre le plus noble de la musique de chambre : un défi pour tout musicien, plus encore pour une musicienne, puisque la jeune femme est l’une des premières compositrices à s’aventurer sur ce terrain. Au début des années 1830, elle avait toutefois osé quelques partitions aux effectifs et dimensions plus ambitieux : un Oratorio sur des scènes de la Bible (1831), la scène dramatique Hero und Leander d’après Schiller (1831), une Ouverture pour orchestre en ut majeur (1832).
Si elle compose sa première œuvre de chambre sans piano, l’Adagio ma non troppo et l’Allegretto du quatuor reprennent néanmoins le matériau des deux premiers mouvements d’une sonate pour piano, entamée cinq ans auparavant et laissée inachevée. Dans les premières pages de l’œuvre de chambre, elle glisse également quelques allusions au Quatuor à cordes en mi bémol majeur op. 12 et à l’ouverture pour orchestre Mer calme et heureux voyage de son frère Felix. Ces références ne l’empêchent pas de suivre sa propre voie, à l’écart des schémas préétablis.
Ne jamais oublier de chanter
De façon inhabituelle, son quatuor commence en effet avec un mouvement lent, qui n’est pas de forme sonate, où l’abondance des modulations et un passage fugué en mineur contribuent à la densité expressive. L’Allegretto, qui combine la légèreté de staccatos et de pizzicatos à des tensions chromatiques, fait office de scherzo. Si la Romanze repose sur les lignes cantabile de tous les instruments, elle frappe aussi par ses nombreux contrastes et la fréquence du mode mineur. Le finale conserve tout du long sa fraîcheur vif-argent (souvenir, peut-être, du dernier mouvement de l’Octuor de Felix), sans pour autant oublier de chanter.
La partition achevée, Fanny la soumet au regard intransigeant de son frère. Felix loue le scherzo et le thème de la Romanze, mais reproche que la construction et les modulations ne soient pas motivées par une « nécessité intérieure ». Fanny tente humblement de se justifier, invoque le modèle de Beethoven qu’elle n’aurait pas réussi à suffisamment assimiler. « Il me manque la force de retenir convenablement les idées, de leur donner la consistance nécessaire. » Doutant de son propre talent, elle ne reviendra plus genre du quatuor à cordes. En revanche, quelques semaines avant sa mort, elle achèvera un trio avec piano, l’une de ses œuvres les plus accomplies.
Hélène Cao