Ravel, un enfant aux prises avec les sortilèges

Mercredi 6 avril 2016
Ravel, un enfant aux prises avec les sortilèges | Maison de la Radio et de la Musique
L’Enfant et les sortilèges, que vont interpréter la Maîtrise, le Chœur et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, les 15 et 16 avril, en compagnie d’une distribution hors pair, est l’un des tributs payés par Ravel au monde de l’enfance qui resta le sien jusqu’à la fin.

NOMBRE DE PIÈCES POUR PIANO DE RAVEL résonnent comme des échos lointains de Schumann. Ma mère l’Oye est une série de miniatures conçues comme autant de scènes d’enfants, la tendre et mélancolique Sonatine aurait pu être écrite pour une jeune sœur de Clara Schumann, enfin Gaspard de la nuit est tout entier parcouru par les nuits tour à tour rêveuses, inquiètes et furieuses du romantisme allemand revu par Aloysius Bertrand. L’Enfant et les sortilèges pousse encore plus loin les limites du monde du rêve et de l’enfance. « Ravel a discipliné la tornade romantique », dit Vladimir Jankélévitch. Est-ce un hasard si Ravel, émule des Allemands amateurs d’automates, collectionnait les jouets mécaniques dans sa maison de Montfort-l’Amaury ?
 
Comment s’inscrit cet espiègle Enfant dans l’œuvre de Ravel ? Revenons à l’année 1914. 1914 : le Trio pour piano, violon et violoncelle – puis la guerre. De taille modeste et de santé fragile, Ravel est réformé mais réussit à se faire engager comme conducteur de camion. Il n’affiche, pendant toutes ces années, aucune position nationaliste, contrairement à Debussy (qui mourra en 1918, quelques mois avant l’armistice). La lecture du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier (qui, dès l’automne 1914, tombe sur le champ de bataille) le bouleverse ; il songe même à écrire une partition qui s’en inspire.
 
Ravel au belvédère
 
En 1917, sa mère s’éteint : « le choc le plus rude de mon existence », avoue le compositeur, qui ne retrouvera la paix que trois ans plus tard en s’installant dans une maison de Monfort-l’Amaury baptisée « Le Belvédère ».
 
1917, c’est aussi l’achèvement des six pièces pour piano qui constituent Le Tombeau de Couperin, dont Marguerite Long assure la création, deux ans plus tard, salle Gaveau (quatre d’entre elles seront orchestrées en 1920 pour les Ballets suédois de Rolf de Maré). Pierre Lalo, qui dénigre la musique de Ravel avec constance, écrit de ce Tombeau qu’il est signé « d’un Chabrier menu et sans son abondance, comme aussi de Fauré, mais d’un Fauré sans sa poésie ». Ravel, très sensible aux critiques, prendra la plume à plusieurs reprises contre Pierre Lalo.
 
En 1920, Ravel refuse (pour la deuxième fois) la légion d’honneur. Son esprit est ailleurs : Diaghilev lui a commandé une partition nouvelle. Ce sera le « poème chorégraphique » La Valse, reprise de Wien, projet inabouti de l’année 1906. Mais Diaghilev, qui avait déjà émis des réserves sur la partition de Daphnis, refuse La Valse – et Stravinsky ne bouge pas le petit doigt pour défendre celui qui est pourtant son ami. L’œuvre attendra 1929 pour être montée à la scène mais sera créée au concert dès 1920 avec un succès qui ne la quittera plus.
 
Une opérette américaine ?
 
C’est au tout début des années 1920, également, que Ravel compose sa Sonate pour violon et violoncelle, sa Sonate pour violon et piano, puis Tzigane, « morceau de virtuosité dans le goût d’une rhapsodie hongroise », et surtout sa fantaisie lyrique L’Enfant et les sortilèges, sur un texte de Colette. Cette œuvre exquise, d’une délicatesse et d’une nostalgie infinies, est pour Ravel la seconde et dernière tentative aboutie, après L’Heure espagnole de 1907, d’écrire une partition lyrique. Il est vrai qu’il ne s’agit pas là d’un opéra ordinaire mais, à nouveau, d’une œuvre brève (moins d’une heure), très difficile à mettre en scène à moins de sombrer dans la caricature, qui fait s’animer des objets et des animaux déchaînés par la fantaisie d’un enfant capricieux. « Le souci mélodique qui y domine s’y trouve servi par un sujet que je me suis plu à traiter dans l’esprit de l’opérette américaine », explique Ravel. L’Enfant et les sortilèges sera créé le 21 mars 1925 à Monte Carlo sous la direction de Vittorio de Sabata.
 
A cette époque, la célébrité de Ravel a dépassé depuis longtemps les frontières françaises et contraint le compositeur à de longues tournées de concert dans toute l’Europe. L’Angleterre, notamment, l’acclame et le fait docteur honoris causa de l’Université d’Oxford le 23 octobre 1928. Sa réputation est grande également aux Etats-Unis : c’est à la demande d’une riche mélomane américaine, Elizabeth Coolidge, qu’il écrit les Chansons madécasses (dont Jane Bathori et Madeleine Grey seront les interprètes de prédilection), « sorte de quatuor où la voix joue le rôle d’instrument principal ». Et c’est en Amérique du nord qu’il se rend en 1928 : de New York à Vancouver, de Los Angeles à Montréal, il est accueilli avec le même enthousiasme. Gershwin lui-même vient lui demander des leçons de composition – à quoi Ravel répond : « Vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel ».
 
De retour en France, il écrit son œuvre la plus célèbre, le Boléro, qui sera créé le 22 novembre 1928 pour les ballets d’Ida Rubinstein. Mais c’est là une tout autre histoire.
 
Florian Héro
 
Le concert du 15 avril sera diffusé en direct sur France Musique.

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