Rencontre avec Lionel Esparza : Dépasser la programmation

Lionel Esparza a le verbe facile. Il sait exactement quelle question poser, avec le ton de l’impertinence, pour amener les invités à se surprendre eux-mêmes dans leurs réponses ; il sait donner son avis sur un enregistrement tout en laissant la place à l’auditeur de se faire le sien ; enfin, il sait faire, depuis 2019, une émission de programmation musicale, Relax (du lundi au vendredi de 15h à 17h), un rendez-vous plein de réflexion, de propos engagés artistiquement et de musiques bien choisies.
Qui a décidé du titre Relax ?
C’est moi tout simplement. Entre 15h et 17h en semaine, il s’agit de faire une émission d’accompagnement, avec ce que cela représente, c’est-à-dire une programmation musicale consensuelle, conviviale et sympathique, qui ne se prenne pas la tête par le contenu et par la tonalité générale de l’émission. Je cherche cette corrélation entre ma façon de faire et, j’espère !, la réception détendue de l’émission par l’auditeur.
Vous avez dû vous plier à l’exercice, ou bien est-ce bien « vous » que nous entendons dans cette émission ?
C’est bien moi… mais il faut reconnaître qu’à la radio nous avons tous un personnage. On ne parle pas exactement de la même façon à un micro qu’à quelqu’un. Il faut faire avec qui nous sommes, certes, mais tout en parlant à un auditeur que nous ne connaissons pas. Il est vrai qu’entre les émissions que je faisais avant, avec des invités que je mettais en valeur en me mettant en retrait, et l’émission que je fais maintenant, c’est-à-dire de la programmation en studio, le personnage n’est pas le même : je compose à présent avec mes propres goûts musicaux et ma propre personnalité, plutôt que de servir les besoins de la promotion d’un artiste.
Vous avez changé de ton, avec les années ?
J’ai un naturel plutôt excité : j’ai dû faire un effort conscient pour parler moins vite, trouver une tonalité vocale adéquate, plus calme et sereine.
Où placez-vous le curseur entre divertissement, culture musicale et actualité des artistes ?
Ce que je cherche dans cette émission, c’est transmettre. Un peu. Sur la musique, sur l’interprétation et sur l’histoire, tout en restant accessible. France Musique réfléchit constamment à ce que l’auditeur peut recevoir comme connaissances musicales : nous ne sommes plus à essayer de faire passer un savoir constitué, comme du temps des Matins des musiciens (temps qui avait ses vertus !), mais à capter un public toujours plus large, ce qui passe par une simplification du contenu et de la manière de faire passer des informations. L’exigence va vers la brièveté des micros : il faut alors se dépasser pour sortir de la simple annonce/désannonce et choisir les informations à faire passer. C’est là que le travail d’écriture est important.
Avez-vous des regrets par rapport à cette évolution de ce que l’auditeur peut recevoir ?
Les directions successives ont toujours su trouver et aller dans la direction de ce qu’une certaine partie du public réclame, une programmation simple à conviviale. Il est passionnant de chercher à satisfaire ces besoins tout en trouvant des façons de garder les auditeurs qui veulent aller plus loin. C’est ce qui explique le succès d’une émission comme celle de Christian Merlin, Au cœur de l’orchestre, notamment, qui ne fait pas l’impasse sur l’exigence du savoir constitué. Je n’ai aucun regret, puisque les auditeurs sont complexes et ont des exigences très contrastées. Il y a de la place et de la demande pour la culture, et je ne peux qu’espérer que des émissions comme celle de Christian se multiplient !
Un rapide mot sur votre parcours ?
A mes débuts, j’effectuais des reportages pour les informations musicales, grâce à Anne-Charlotte Rémond. J’ai ensuite fait des commentaires divers et variés pour la matinale d’Olivier Bernager. Pierre Bouteiller, le directeur de l’époque, nous a alors donné, à François-Xavier Szymczak et moi-même, des émissions quotidiennes. J’avais déjà choisi le magazine comme formule. À partir de là, tout s’est enchaîné : trois ans de matinales, quelques années de magazines le midi, le Classic Club le soir, et Relax depuis 2019. Musicalement, j’ai une formation de pianiste, de musicologie et au CNSMD. Et maintenant, je tiens à pratiquer mon piano et mon clavecin tous les jours !
Propos recueillis par Christophe Dilys