Une grange et un lac

Avec plus de cinquante concerts par an et une offre artistique variée, la Grange au Lac est une salle unique au monde faite de cèdre et de pin. Cachée dans une forêt de mélèzes surplombant le Léman, elle se niche au cœur de la commune de Neuvecelle près d’Évian-les-Bains. Pensée et construite par l’architecte français Patrick Bouchain, c’est avec l’acousticien Albert Yaying Xu, qu’il relève le défi d’achever cet auditorium de 1 100 places dans un délai record (huit mois de travaux d’octobre 1992 à mai 1993 !), malgré des contraintes majeures (ne pas creuser dans la roche qui protège la source, ni abattre d’arbres), des conditions difficiles (un terrain en pente, le froid pendant les mois d’hiver) et un budget restreint (deux millions d’euros).
S’inspirant des granges montagnardes, les matériaux utilisés pour la construction ont été choisis parmi les meilleurs bois de cèdre rouge et de pin. L’odeur du bois, omniprésente, ajoute à la magie de l’intérieur. Le plafond est toutefois recouvert d’une énorme feuille en aluminium qui permet au son de se diffuser parfaitement et d’éviter l’écho. L’éclairage est assuré par des lustres de cristal de Bohème et de Murano qui donnent au lieu une allure idyllique. La scène de 260 m2 abrite une splendide forêt de bouleaux séchés, arbres typiquement russes qui font un clin d’œil à Mstislav Rostropovitch, musicien associé au lieu : la salle sonne comme l’intérieur d’un violoncelle tout en mêlant le luxe des lustres de cristal à la frugalité des gradins de bois.
C’est en 1976 que commence l’histoire de La Grange au Lac. Antoine Riboud, alors pédégé de BSN (futur groupe Danone), créé un festival de musique dite classique. Il en confie la direction artistique au violoncelliste Mstislav Rostropovitch, qui en fait un événement majeur de la vie musicale française, bientôt mondiale : les Rencontres musicales d’Évian sont nées. À l’époque pourtant, le festival n’a pas de salle attitrée dans la ville. C’est donc près de vingt ans plus tard, en 1993, qu’Antoine Riboud décide de doter le festival de la Grange au Lac. L’idée de cette architecture vient de Rostropovitch lui-même qui avait vu la Tente pensée par Yehudi Menuhin à Gstaad pour le festival qu’il avait imaginé dès 1957. Rostropovitch voulait « la sienne », en en bois.
En octobre 2017, près de vingt-cinq ans après l’inauguration de la salle, le 20 mai 1993, sont dévoilés un nouveau plateau scénique et une nouvelle scénographie en fond de scène. Entièrement refaite en bois de chêne, cette nouvelle scène accentue la théâtralité de la Grange, le confort sonore des musiciens, et l'acoustique déjà extraordinaire de la salle.
Les Rencontres musicales d’Évian sont interrompues en 2001 puis relancées en 2014 par l’Évian Resort, propriétaire et gestionnaire de la salle, sous la direction artistique du Quatuor Modigliani. Treize années de silence pour le festival, mais non pas pour la Grange au Lac qui a toujours accueilli public et interprètes de choix tels que Lucas Debargue, Vadim Repin, Sabine Devieilhe ou encore Grigory Sokolov et Nikolaï Lugansky…
Aujourd’hui, l’auditorium abrite chaque année quatre festivals : Jazz à la Grange, Printemps de la Grange, les Rencontres musicales d’Évian et Voix d’automne, ainsi que des résidences telles que la Maison des arts du Léman. Tous les genres musicaux sont invités : en 2018, la salle accueille même les Victoires de la musique classique ! Si l’Orchestre des Pays de Savoie y est en résidence, la Grange au Lac a également son orchestre depuis 2018 : le Sinfonia Grange au Lac. Une formation dirigée chaque année par un chef d’orchestre différent : Esa-Pekka Salonen en 2018, Gustavo Dudamel en 2019, Lars Vogt en 2021. En attendant Daniel Harding en 2022.
Gabrielle Oliveira Guyon