Au violoncelle, Marie Ythier

Marie Ythier, comment a eu lieu la rencontre avec Tristan Murail ?
Étudiante, j’ai commencé à travailler avec de jeunes compositeurs qui me proposaient des pièces très axées sur la recherche. J’ai eu un fort désir de jouer des pièces contemporaines à la fois innovantes et accessibles, c’est-à-dire qui sonnent et se préoccupent des couleurs. En 2016, j’ai eu l’occasion de jouer Attracteurs étranges de Tristan Murail, parmi d’autres pièces, au cours d’un récital. Le contact s’est fait à l’occasion de cette pièce et ne s’est pas rompu depuis lors.
Comment définiriez-vous l’écriture de Tristan Murail ?
C’est d’abord un son charnel, que je ressens comme directement issu d’une tradition romantique de l’écriture pour cordes. Le vibrato n’est pas évité ; on est loin d’une musique faite de sons étirés, figés, sans expression. Il y a au contraire chez lui une chaleur qui m’a tout de suite beaucoup plu, et encore davantage après quelques séances de travail ensemble. Un récital dans le cadre du Festival Messiaen, où Tristan Murail m’a entendu jouer notamment la pièce Curves with plateaux de Jonathan Harvey, au programme d’ailleurs du récital que je donne dans le cadre de Présences, l’a fortement intéressé. Nous avons eu d’autres intérêts communs, plus inattendus, sur la musique des XIXe et XXe siècles par exemple.
Quel lien le relie aux compositeurs de cette époque, comme Schumann, que vous avez revisité ensemble ?
Tristan Murail a une écriture proportionnelle de la musique : il n’y a pas de métrique, de barres de mesure à proprement parler. La gestion du temps se rapproche du débit, d’une énergie fluctuante qui va parfois accélérer, parfois décélérer. Cette prise de recul par rapport à la métrique est quelque chose qui me ramène en effet à Schumann, dont l’écriture dépasse les concepts de barres de mesure, où le rubato est constant. Il y a aussi des similitudes dans les couleurs et les sentiments, leur rapport à la narration, les effets de surprise, de rupture. J’ai appris de nombreuses choses grâce à sa musique sur le rapport à la psycho-acoustique, la manière dont les sons se déploient dans le temps, comment ils sont perçus par l’auditeur, et comment ces paramètres influent sur la forme d’une pièce. (…)
Propos recueillis par Gaspard Kiejman
Vous pourrez retrouver l’intégralité de cet entretien dans le livre-programme du festival Présences 2022.