Et la musique, mille tonnerres !

Le principe de la bulle a-t-il rendu la musique de la bande dessinée inaudible ? Les inventions de Gaston Lagaffe et Franquin ne manquent pas de puissances. Le klaxophone ? Un « instrument de musique de l'avenir ; la première fois qu'on l'entend, on ne l'oublie jamais » Le gaffophone ? Inspiré d'une harpe africaine, parfait décolleur de papier peint et dessoudeur de canalisations ; « le principe est simple : une vibration du tonnerre et une résonance maximum... » L'instrument est adapté au rock, « je suis le yéyéyéyéti » nous projetant vers le Tibet de Hergé. Avec Tintin, on connaît la chanson. Son enfance gâchée par les vocalises d'une cantatrice en herbe, le dessinateur a décidé de ne pas suivre son ami Edgar P. Jacobs, père de Blake et Mortimer, dans sa première carrière lyrique. « L’opéra m’ennuie », avouait Hergé ; il a donc caricaturé les divas sous les traits grotesques de la Castafiore, sans oublier son pianiste et secrétaire Igor Wagner. Au fil des voyages, le répertoire s'élargit. Au Congo, lorsque les pirogues glissent sur l'eau au rythme d'une véritable chanson en lingala, en Amérique lorsque les Indiens du Temple du Soleil reprennent un chant sacré traditionnel inca, en Asie pour une procession tibétaine dans les montagnes. En grande pompe ou en grande trompe avec tambour et cymbales. Hergé ethnomusicologue, Tintin se fait musicien, s'essaie à la trompette pour dompter un éléphant dans Les cigares du Pharaon : « moi aussi j'ai joué du piano petit » réplique Philémon Siclone. « Et la musique, mille tonnerres ! rien de tel pour vous donner du cœur au ventre ! » s'exclame Haddock en plein tango spatial. Le capitaine a l'oreille, se moque des histoires « à la graisse de trombone à coulisse » ou à « jouer du cornet à pistons devant la tour Eiffel en s'imaginant qu'elle va danser la samba ! »
Le Gaulois est misogyne puisque la barde n’est que de lard. Aurait-il voulu rivaliser avec Orphée dans l’art de dompter les bêtes sauvages qu'Assurancetourix n'aurait vidé les forêts que de leurs sangliers. Mais l'antique poète sait faire tomber la pluie grâce à une vieille formule celte, Aïm sïnguïn ïn ze rèïnnn, pratique en temps de sécheresse et qui a permis à Rahazade de sauver sa tête. Serait-ce l'heure de remettre l'ode lutécienne à « Menhir montant » à l'honneur ? En cases et en bulles, renouons avec la vraie musique, quitte à méditer sur la surdité de nos concitoyens et l’ingratitude humaine. François-Gildas Tual