Faire vibrer le vivant
Rencontre avec Hana San Studio

Hana San, c’est vous deux. Mais aussi des comédiens, des musiciens, des techniciens, des créateurs dont le nombre varie selon les projets. Qui êtes-vous exactement ?
Marie Piemontese : L’activité principale de Hana San Studio, c’est la mise en scène de théâtre. À partir de ce point de départ, nous ajoutons des éléments puisés dans d’autres pratiques, d’autres arts. Dans nos créations, il y a toujours une dimension plastique, parfois un dialogue entre l’image filmée et le vivant. Parallèlement, la compagnie – Florent, en l’occurrence – crée aussi des objets purement audiovisuels, filmiques.
Florent Trochel : Notre philosophie est de travailler avec des personnes que nous connaissons, afin que nous développions un lien tous ensemble.
Parlez-moi de votre rencontre avec la Maison de la Radio et de la Musique.
MP : L’an dernier, il nous a été proposé de mettre en scène la Maîtrise de Radio France à l’occasion d’un projet d’opéra, Le Petit Ramoneur de Britten. Il y avait une envie collective : celle de faire plus qu’une mise en espace : une vraie mise en scène.
FT : Nous avons écrit un prologue à cette œuvre magnifique, et nous l’avons travaillé de manière théâtrale avec les enfants. Nous avons ensuite repris l’ensemble avec un petit groupe que nous avons fait évoluer sur le jeu lié à l’action scénique, ainsi qu’avec le chœur d’enfants.
Aviez-vous l’habitude de travailler avec des enfants ?
MP : Ça oui ! Dans le domaine du théâtre, nous travaillons fréquemment avec des enfants et des adolescents.
FT : Nous menons ce travail sur deux fronts, avec l’image filmée et avec le travail sur le plateau.
Aviez-vous travaillé avec des orchestres par le passé ?
FT : Des orchestres, non, pas nécessairement, mais des musiciens en scène, oui ! En musique baroque, en musique contemporaine… Il est intéressant pour nous de constater que certains de nos choix de mise en scène sont pris à partir de la musique et non du texte, du livret. La trame musicale est un appui fort.
MP : Le langage musical, l’histoire que raconte la musique, est quelque chose qui nous interroge : comment l’accompagner scénographiquement ? Comment raconter une histoire à partir de ça ?
Lorsqu’on assiste à un opéra, on est parfois frappé du décalage entre texte et musique…
MP : Oui, ce qui est étonnant, c’est de constater que les paroles peuvent apparaître datées, alors que le fond reste très contemporain. Le vocabulaire d’un texte se fane plus rapidement que la musique.
FT : Ce qui freine peut-être la possibilité d’entendre la résonance d’une situation profonde de l’opéra. La musique, en tout cas, est intemporelle.
Pouvez-vous me dire quelques mots des concerts de la saison prochaine ?
FT : Tout est en train de se mettre en place ! Nous essayons de proposer des artistes dont la simple présence évoque déjà un rapport à l’œuvre. Par exemple, nous avons apprécié Pierre-Yves Chapalain dans le Pinocchio de Joël Pommerat ; il sera le récitant du numéro des Enfantines consacré à Babar, le 5 octobre, et nous imaginons déjà ce qu’il pourra apporter. Pour Le Roi Arthur de Purcell, le 14 décembre, nous avons pensé travailler avec Satchie Noro, une danseuse japonaise dont le père manie le sabre, et qui a une pratique de la danse classique mêlée à une certaine conscience du corps.
MP : Le plus important, dans ces spectacles, sera de laisser la musique saisir les enfants dans l’intégralité de leur champ d’émotions ; c’est une question qui compte beaucoup pour nous.
FT : Dans les musiques pour enfant écrites par de grands compositeurs, il y a un très grand nombre de dimensions. C’est la fonction de l’art de s’adresser à une part de nous-mêmes qui est plus mystérieuse, parfois plus lointaine. Le vivant a ses rugosités, et il faut le faire vibrer dans toutes ses dimensions.
Propos recueillis par Gaspard Kiejman