La grande kermesse de la Maison Ronde

Nous sommes en 1965 : Roland Dhordain est arrivé à la tête de France Inter depuis deux ans, avec l’intention de « dépoussiérer » la radiodiffusion publique. Son nouveau cheval de bataille, c’est de rendre plus vivante la maison de la Radio, inaugurée en 1963.
Il demande alors à deux producteurs, Jean Garretto et Pierre Codou, chargés des opérations extérieures de la radio, de trouver un moyen d’amener le public jusqu’à la maison ronde. Le bâtiment est alors très isolé : ni métro, ni RER, il faut prendre le train pour s’y rendre.
Tous les studios investis
La solution qu’ils inventent s’appelle Entrée libre à l’ORTF. Tous les dimanches, la maison de la radio toute entière devient un immense studio de radio : dans tous les studios, du grand 102 aujourd’hui disparu au plus petit 107, les animateurs de France Inter mènent la danse avec des animations musicales. « Il y a un studio dans lequel il y a des accordéonistes : les amateurs d’accordéon, toute la matinée, peuvent entendre (…) des grandes vedettes de l’accordéon », raconte Jean Bardin, l’un des animateurs, dans un journal de France Inter en 1965.
« Dans un autre studio, il y a du rock, on peut entendre et danser le rock »… et ainsi de suite !
A l’antenne, les auditeurs peuvent retrouver un multiplexe, qui bascule de studio en studio et d’animateur en animateur.
Tir au disque et porte-clés
Mais les animations ne se limitent pas aux studios : elles commencent même hors de la maison de la radio, dans les bus spécialement affrétés par la RATP pour venir à la Maison Ronde, où un animateur propose également des duplex à l’antenne. Et dans le grand hall, de très nombreuses animations ont lieu… comme un tir aux disques, « où des vedettes du sport tirent sur des disques qu’ils n’aiment pas. Ils tirent dessus, et s’ils sont bons tireurs, le disque s’arrête », s’amuse à l’époque Jean Bardin !
C’est cette émission qui donne naissance à une mode qui a duré des années : la mode des porte-clés publicitaires. Pour écouler les porte-clés produits par l’ORTF, Garretto et Codou proposent de créer, dans le hall de la Maison de la Radio et de la Musique, une « bourse aux porte-clés », où chacun peut venir échanger un porte-clés qu’il possède contre un modèle ORTF, raconte Thomas Baumgartner dans son ouvrage « L’Oreille en Coin, une radio dans la radio ».
Victime de son succès
Pendant près de deux saisons, l’émission cartonne. Et c’est justement son succès qui provoquera sa fin brutale, en 1967 : ce sont alors des dizaines de milliers de visiteurs qui viennent chaque dimanche matin à la maison de la radio. Une affluence qui effraie la Préfecture de Police, qui siffle la fin de l’émission avant même la fin de la saison, pour des raisons de sécurité.
Mais Codou et Garretto ne se laissent pas abattre : ils commencent déjà à travailler sur un nouveau projet d’émission, un grand rendez-vous pour le week-end. Diffusé pour la première fois en 1968, il prend le nom de TSF68, avant d’être rapidement renommé… L’Oreille en Coin.
Générique de l'Oreille en coin.
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Par Julien Baldacchino