Schubert, la symphonie, l’inachèvement

Jeudi 13 août 2015
Schubert, la symphonie, l’inachèvement | Maison de la Radio et de la Musique
La poignante symphonie dite « Inachevée » est au programme du concert dirigé le 27 septembre par Christian Zacharias. L’occasion de revenir sur le chantier et le paradoxe que représente le massif symphonique que nous a laissé Schubert : quinze symphonies commencées, huit achevées !

ON POUVAIT LIRE il y a quelque temps, à l’entrée « Symphonie » d’une encyclopédie pourtant bien informée : « Les successeurs de Beethoven, ne pouvant faire mieux, cherchent à faire autrement ». Beethoven, horizon indépassable de la symphonie ?
 
Paradoxe, peut-être, qu’une telle interrogation, mais que Paul-Gilbert Langevin n’hésite pas à soutenir lorsqu’il affirme : « A l’âge où Schubert écrit le prodigieux monument qu’est la Grande Symphonie en ut, qui est déjà sa neuvième (...), Beethoven, lui, en était encore à peiner sur sa première symphonie !!! En d’autres termes (et si l’on ajoute que Beethoven était allemand et non autrichien), le troisième grand symphoniste de la première École viennoise n’est pas Beethoven mais bien Schubert ». (1)
 
Ici, une brève mise au point chronologique s’impose, qui permettra d’éclairer la succession, passablement controversée, des symphonies écrites, en totalité ou partiellement, par Schubert. Même s’il est convenu d’attribuer le numéro 9 à la Grande Symphonie en ut majeur, la dernière achevée par le compositeur, on sait aujourd’hui que Schubert n’entreprit pas moins d’une quinzaine de symphonies, dont huit seulement furent menées à terme. On peut considérer que la Symphonie en si mineur dite « Inachevée », telle qu’on la joue habituellement (et malgré son titre !), fait partie de celles-ci, ses deux mouvements ayant leur cohérence propre.
 
Au début, tout va de soi
 
Aucun problème particulier de numérotation ne se pose concernant les six premières symphonies achevées, même si une symphonie en majeur inédite précède ce premier ensemble. Pour citer encore Paul-Gilbert Langevin, « les six premières symphonies de Schubert, bien davantage qu’avec Beethoven, appellent la comparaison avec les essais de l’autre enfant prodige du Romantisme, avec les douze symphonies de jeunesse de Mendelssohn ». Avec la symphonie suivante, en revanche, que précèdent les esquisses de deux symphonies inabouties, les choses se compliquent : la partition de la Septième, en mi majeur (1821), quoique très avancée, ne comporte toutefois que cent dix mesures entièrement orchestrées ; elle fut offerte à Mendelssohn, au moment de la mort de Schubert, par son frère Ferdinand, et fit l’objet de diverses tentatives d’achèvement, l’une des plus récentes étant due à Brian Newbould.
 
La célèbre Symphonie inachevée, huitième de la chronologie traditionnelle, date de l’année suivante et ne comporte que deux mouvements, ainsi que l’esquisse d’un scherzo (achevé par Schubert dans une version pour piano). Elle aussi a fait l’objet de nombreuses hypothèses et de plusieurs tentatives d’achèvement, aucune n’ayant réussi à s’imposer. La plus sérieuse peut-être reste celle de Newbould, qui acheva et orchestra le scherzo à peine esquissé, et propose de jouer, en guise de finale, l’Entr’acte en si mineur (tonalité de la symphonie) de Rosamunde.
 
Une partition mystérieuse
 
On a longtemps pensé que Schubert avait ensuite entrepris la composition d’une mystérieuse symphonie dite « de Gmunden-Gastein », par la suite perdue, à laquelle aurait succédé enfin, en 1828, la Grande Symphonie en ut. Or, les recherches les plus récentes tendraient à prouver que la Gmunden-Gastein et la Grande ne font qu’une. Enfin, il semble que Schubert ait nourri encore un certain nombre de projets pour l’orchestre, notamment une Dixième que la mort seule laissa inachevée. Brian Newbould, à nouveau, a tenté d’en réaliser une version « intégrale ».
 
Précisons que la Grande Symphonie fut pendant un siècle la Septième de Schubert parce qu’elle est la dernière achevée de la série, mais aujourd’hui certains auteurs, s’en tenant à la stricte chronologie des symphonies constituées de mouvements entièrement composés, attribuent le numéro 7 à la Symphonie inachevée, et le numéro 8 à la Grande.
 
L’« Inachevée », donc
 
L’histoire de la Symphonie inachevée est célèbre : reçu membre de la Société musicale de Styrie, Schubert promet d’envoyer à Joseph Hüttenbrenner, qui lui a remis son diplôme, une symphonie... mais ne lui fait parvenir que deux mouvements (datés du 30 octobre 1822), lesquels sont conservés dans les papiers de la Société, et révélés seulement en 1860 au chef Johann Herbeck, qui en assure la création cinq ans plus tard. Edouard Hanslick raconte l’émotion éprouvée ce jour-là devant une partition fragmentaire mais d’une douloureuse cohérence, dont l’orchestration (Schubert utilise trois trombones) annonce une ère nouvelle : « Lorsque, après les quelques mesures d’introduction, la clarinette et le hautbois entonnent à l’unisson leur chant suave par-dessus le calme murmure des violons, un enfant reconnaîtrait l’auteur, et une exclamation à demi étouffée court, comme chuchotée à travers la salle : Schubert ! Il vient à peine d’entrer, mais il semble qu’on le reconnaisse à son pas, à sa façon de pousser le loquet de la porte ».
 
Marcel Schneider commente à son tour : « Les deux mouvements diffèrent peu l’un de l’autre : l’Allegro moderato initial, par son contenu lyrique comme par son développement, ressemble à l’andante qui suit. De même les instruments sont-ils utilisés de façon similaire : il ne s’agit pas de surprendre, d’éblouir, mais de captiver et de retenir dans le cercle magique. Le poème se déroule, tantôt serein, tantôt angoissé, mais toujours pareil à lui-même avec de subtils enchaînements et de surprenantes modulations (...) qui sont moins des procédés pour varier l’expression et renouveler l’intérêt que des équivalents sonores du flux et du reflux de nos émotions ».
 
L’inachèvement n’est-il pas le signe d’un désir fou d’infini ?
 
Christian Wasselin
 
(1) In « Schubert et la symphonie », numéro spécial de la Revue musicale (1981).
 
Le concert du 27 septembre sera diffusé ultérieurement sur France Musique.

 

INSCRIPTION AUX NEWSLETTERSX

Chaque mois, recevez toute l’actualité culturelle de Radio France : concerts et spectacles, avant-premières, lives antennes, émissions, activités jeune public, bons plans...
Sélectionnez la ou les newsletters qui vous ressemblent ! 

Séléctionnez vos newsletters

(*) Informations indispensables

Les données recueillies par RF sont destinées à l’envoi par courrier électronique de contenus et d’informations relatifs aux programmes, évènements et actualités de RF et de ses chaînes selon les choix d’abonnements que vous avez effectués. Conformément à la loi Informatique et libertés n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, ainsi qu’au règlement européen n°2016-679 relatif à la protection des données personnelles vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, d’opposition et de portabilité sur les données vous concernant ainsi qu’un droit de limitation du traitement. Pour exercer vos droits, veuillez adresser un courrier à l’adresse suivante : Radio France, Délégué à la protection des données personnelles, 116 avenue du président Kennedy, 75220 Paris Cedex 16 ou un courriel à l’adresse suivante : dpdp@radiofrance.com, en précisant l’objet de votre demande et en y joignant une copie de votre pièce d’identité.

Conformément aux dispositions susvisées, vous pouvez également définir des directives relatives à la conservation, à l'effacement et à la communication des données vous concernant après votre décès. Pour cela, vous devez enregistrer lesdites directives auprès de Radio France. A ce titre, vous pouvez choisir une personne chargée de l’exécution de ces directives ou, à défaut, il s’agira de vos ayants droits. Ces directives sont modifiables à tout moment.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter vos droits sur le site de la CNIL