Trois questions à Gaspard Proust

Le Carnaval des Animaux est une pièce à part dans le répertoire français. S’agit-il d’un rare exemple d’humour en musique ? Que représente cette pièce pour vous ?
Un exercice de style musical sans prétention, léger et souriant, mais comme tout exercice de style sans prétention composé par un musicien de génie, on y trouve toujours quelque chose d’intéressant et une source de plaisir. De Saint-Saëns, je connaissais surtout sa Symphonie avec orgue, que j’adore ; je n’ai découvert le Carnaval que dans le cadre de ce projet, je l’avoue. J’adore le final, où sont cités tous les autres mouvements. Quant à la question de l’humour en musique, je pense qu’une œuvre peut éventuellement faire sourire, mais rire… Et puis est-ce vraiment ce qu’on attend d’un compositeur ? Je pense à des opéras de Mozart où le compositeur cite ses propres Noces1, ou à Wagner qui cite le motif du désir dans les Maîtres chanteurs2 : ça vous décroche un sourire, mais c’est un truc accessoire dans l’œuvre.
Qu’attendons-nous justement d’un compositeur ?
Il y a cette phrase de Beethoven qui dit « venue du cœur, la musique doit retourner au cœur » ; voilà ce qui compte à mes yeux. J’ai un rapport un peu ambivalent avec de grands compositeurs comme Mozart. Il y a des œuvres qui me touchent vraiment, comme Don Giovanni, ses derniers quatuors, les œuvres qu’il a écrites pour les instruments à vent... D’autres me touchent moins, mais je ne vais pas en dire plus : on crierait au sacrilège si je vous confiais par exemple que je trouve infiniment plus de profondeur à La Création de Haydn qu’au Requiem et la Messe en ut de Mozart réunis.
Quels répertoires avez-vous tardivement appris à aimer ?
Je me suis mis au piano tout récemment, c’est pourquoi je ne découvre que maintenant la splendeur du Premier Prélude de Bach3, le seul morceau qu’ironiquement je zappais toujours quand j’écoutais Le Clavier bien tempéré ! J’ai mis du temps à aimer Liszt. Parfois on n’est pas prêt. Enfin, je souhaite à tout le monde de découvrir un jour Wagner qu’on assimile si stupidement à la seule Chevauchée des walkyries !
Propos recueillis par Gaspard Kiejman
1. Dans l’acte II de Don Giovanni, Mozart cite la musique de l’aria « Non piú andrai » des Noces de Figaro, créées dans le même théâtre un an plus tôt. L’air est joué par une troupe de musiciens placés sur la scène, qui divertissent Don Giovanni, lors du dîner interrompu par l’arrivée de la statue du Commandeur.
2. Dans l’acte III, Wagner cite des leitmotive issus de Tristan et Isolde.
3. Il s’agit du Prélude et fugue en ut majeur.