La France du Général
Pour aller plus loin / SILENCE RADIO – Mai 68 à l’ORTF

Charles de Gaulle : extrait des vœux aux Français (31 décembre 1967)
Première partie : La France du Général
La France des années 1960 connaît une expansion considérable qui se traduit par une hausse du pouvoir d’achat et de la consommation. Pourtant, en 1967, le modèle porté par De Gaulle s’essouffle. Les élections législatives de mars lui donnent une courte majorité à l’Assemblée nationale. Le ralentissement de la croissance, la hausse des prix (3,5%), les licenciements (grève à Rhodiacéta, à Lyon-Vaise, contre la suppression de 2 000 emplois dans l’ensemble du groupe), les ordonnances sur la Sécurité sociale (qui se traduisent par une baisse des prestations) entraînent de nombreux conflits sociaux.
On compte plus de 4 millions de journées perdues du fait des grèves. Dans un pays habitué au plein-emploi, la brusque augmentation du chômage (430 000 chômeurs en mars 1968 contre moins de 200 000, un an plus tôt) inquiète.
En avril 1968, 75% des Français interrogés par l’INED (Institut national d’études démographiques) disent redouter de perdre leur emploi. Cette anxiété généralisée dans le monde du travail n’est pas étrangère à l’ampleur de la crise sociale qui, en mai, va suivre la crise estudiantine.
Nos années 60 : les mythologiques, Infrarouge, (2008)
Une jeunesse en quête d’avenir
« Nous sommes à l’époque du mécontentement », écrit Alfred Sauvy, en septembre 1967, à propos de la place des jeunes dans la société. Tous ne sont pas étudiants, loin de là. Près de 4 millions des 15-24 ans sont déjà des actifs, contre 3 millions qui étudient en collège, au lycée ou en université. Cependant, le nombre des étudiants explose : on en compte plus de 500 000 à la rentrée 1967, deux fois et demi plus qu’en 1960.C’est dans ce contexte qu’émerge la faculté des lettres et sciences humaines, ouverte en 1964 pour désengorger la Sorbonne. Encore en construction en 1968, édifiée au milieu de nulle part, entourée de terrains vagues et d’un bidonville, la faculté isole les étudiants, dont beaucoup viennent de province. Pour rejoindre Paris, il faut avoir une voiture ou emprunter la ligne de train qui amène à la gare Saint-Lazare.
Les jeunes sont les principales victimes de la hausse du chômage en 1967-1968 : les moins de 24 ans représentent près de 40% des demandeurs d’emploi, trois fois qu’en 1962.
Les sondages montrent que, chez les jeunes, le premier souci est l’emploi : or, 85% d’entre eux, étudiants comme jeunes travailleurs, s’inquiètent des débouchés professionnels que leur offre la société. A cela s’ajoute, particulièrement chez les étudiants, le rejet du modèle social et sociétal qui domine et qu’ils se refusent à reproduire. Une minorité d’entre eux choisissent le combat révolutionnaire, et les manifestations contre la guerre du Vietnam constituent souvent le premier acte de leur engagement.

L'internationale Situationniste et des étudiants de Strasbourg, 1966.
La rapide croissance des effectifs étudiants
Des garçons et des filles, Panorama (15 mars 1968)
Les résidents de Nanterre, Tel quel (26 mars 1968)
L'éducation sexuelle Les chemins de la vie (11 avril 1968)
Une certaine jeunesse (les beatniks à Paris) Panorama, (16 juillet 1965)
L'ORTF, Première entreprise de spectacles
Slogan ORTF 1967
© ORTF, Annuaire du spectacle, 1967

© ORTF, Micro et Caméra, 1968. Dessin : Francis Bernard
Le slogan de l’Office de radiodiffusion-télévision française, créé 1964, reflète l’immense machine qui diffuse des centaines d’heures de programmes et rassemble 11000 agents permanents : 6000 techniciens, 600 journalistes, 370 musiciens et choristes…
Le personnel de l’ORTF en 1967
L’ORTF emploie environ 11 000 agents permanents pour l’ensemble des trois stations radio et des deux chaînes de télévision (la BBC anglaise : 20 000 employés, la RAI italienne : 8500 employés)
La radio publique s’est transformée en 1963, sous l’impulsion de Roland Dhordain, soutenu par le ministre de l’Information, Alain Peyrefitte. Elle compte désormais trois « chaînes » (comme on dit alors) : France-Culture, France-Musique et France-Inter, « la chaîne de l’information, de la gaieté et des conseils pratiques ». En 1967, elles produisent, à elles trois, 436 heures de programmes par semaine. A cette époque, France-Inter, première radio à diffuser 24 heures sur 24, est devenue la station la plus écoutée en France, devant Europe n°1 et RTL. Le poste à transistors a définitivement conquis le public et, au passage, libéré les plus jeunes de la tutelle des parents : plus des deux-tiers des Français en sont équipés.
Quant à la télévision, elle s’impose comme un compagnon familier : 62% des ménages sont équipés d’un récepteur en 1968, contre 13%, huit ans plus tôt. La 1ère chaîne propose 68 heures de programmes hebdomadaires, la seconde, créée en 1964, 27 heures. C’est là que s’installent peu à peu les feuilletons anglo-saxons, comme ceux que les téléspectateurs découvrent en 1967 : Chapeau melon et bottes de cuir, Les Mystères de l’Ouest, Le Fugitif, Mission impossible ou les Agents très spéciaux.
Taux d’équipement des ménages en téléviseurs
En 1973 encore, moins de 8% des téléspectateurs en seront équipés, et la barre des 50% ne sera franchie qu’en 1981 ! Bref, c’est bien en noir et blanc que les Français vivent Mai 68 à la télévision.
Présentation officielle de la télévision couleur (1er octobre 1967)
Jean Poiret et Jacques Rouland sur la télévision en couleur couleur), La caméra invisible, (6 octobre 1967)
JO : victoire slalom Jean Claude Killy JT, 20h, (17 février 1968)

© ORTF, 1967

L'actualité radiophonique à France-Inter, Micros et caméras (16 juillet 1966)
Le Masque et la Plume Micros et caméras (2 avril 1966)