La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski
Le 17 avril, au Théâtre du Châtelet, Daniele Gatti confronte la Symphonie en ut de Stravinsky à la Cinquième de Tchaïkovski.
Plus de dix années séparent la composition de la Quatrième de celle de la Cinquième Symphonie, qui fut créée le 5 novembre 1888 à Saint-Pétersbourg sous la direction du compositeur (cinq ans sépareront la Cinquième de la Sixième). Entre temps, Tchaïkovski n’a rien résolu ; il est toujours habité par les mêmes hantises contradictoires, malgré l’échec de son mariage qui a dissipé toutes les illusions et tous les mensonges. Il avoue même à sa protectrice : « Il me semble que je n’ai plus la facilité d’autrefois ».
Tchaïkovski écrivit lui-même un commencement de programme pour le premier mouvement de sa Cinquième Symphonie. On ne peut guère affirmer qu’il brille par sa précision : « Introduction. Résignation complète face au destin ou, ce qui revient au même, face à la prédestination insondable de la Providence. Allegro (I) Murmures, doutes, plaintes, reproches à l’égard d’XXX. (II) Dois-je me jeter dans l’étreinte de la foi… ? » Qui est XXX ? Un personnage vivant ? Un fantôme ? L’obsession qui taraude le compositeur ? De fait, le premier mouvement commence, sans fioriture, sur la citation, dans le mode sombre et douloureux (clarinettes et cordes), du motif dit de la Providence. Comme l’écrit André Lischké, « la Cinquième Symphonie est la seule de Tchaïkovski à être intégralement cyclique ; en effet, le thème morne et angoissé par lequel elle débute se retrouvera dans tous les autres mouvements : retentissant au milieu de la noblesse pathétique de l’Andante cantabile, lugubre dans les dernières mesures de la gracieuse valse, il prend dans le finale une coloration religieuse, se rapprochant de l’esprit d’un choral ».
Le mouvement lent est une rêverie qui tend à la confession passionnée mais se voit interrompue par le thème de la Providence qui se dresse tout à coup tel un spectre vengeur. La tendre cantilène reprend, malgré les menaces, se hâte comme sous l’effet de l’urgence d’une étreinte à accomplir, essaye de triompher, mais le motif de la Providence revient et impose le silence.
Le troisième mouvement est une valse. Dans la Sixième Symphonie, Tchaïkovski écrira aussi une valse, située en deuxième position, avant un scherzo-marche véhément. Mais la Pathétique comporte en réalité deux morceaux lents (les premier et quatrième mouvements), alors que la Cinquième épouse encore relativement le moule classique. La valse fait donc ici figure de scherzo, à tout le moins d’intermezzo. Son motif est inspiré d’une chanson que Tchaïkovski avait entendue, à Florence, fredonnée par un jeune garçon. Elle n’est pas interrompue brutalement, à l’inverse du précédent mouvement, par le motif de la Providence ; celui-ci, au contraire, vient rappeler son existence à l’auditeur, discrètement et comme sournoisement, à la toute fin du morceau.
Le finale ne va pas par quatre chemins. Il cite d’emblée la Providence, mais cette fois avec assurance. Cette nouvelle manière, après les luttes glorieuses qu’on pressent et qui ne manqueront pas d’avoir lieu, aboutit à une fausse coda typique de Tchaïkovski (accords successifs superposés à un roulement de timbales ff). Puis le thème revient, sur le mode martial et triomphal. Péroraison qui peut prêter à sourire : Tchaïkovski y voyait lui-même « des couleurs exagérées, un certain manque de sincérité ou une certaine fabrication que le public reconnaît instinctivement ». Trop victorieux pour être vrai, en effet.
Christian Wasselin
Le concert du 17 avril sera diffusé en direct sur France Musique et sur les radios de l’UER.
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